- Ecole militaire d'infanterie cherchell - 1942 - 1962

HISTORIQUE

La continuité d'existence d'une Ecole Militaire à Cherchell n'empêche pas que suivant les époques l'Ecole ait eu des identités différentes. Pendant la seconde guerre mondiale l'Ecole était interarmes et admettait en priorité des anciens des Chantiers de jeunesse et d'office les candidats admissibles aux concours de Polytechnique et Saint-Cyr.
Après la guerre l'Ecole eut pour mission de former des sous-officiers d'active et des officiers de réserve d'Infanterie. Le recrutement et les programmes n'étaient donc pas les mêmes.
De 1942 à 1962,la nécessité de former des cadres fut d'autant plus impérieuse que la France fut durant cette période sans cesse en guerre, à la 2e guerre mondiale ayant succédé les conflits coloniaux, en Indochine et de 1952 à 1962 en Tunisie, Maroc et principalement en Algérie.

De juin à septembre 1940, un essai avorté : Le Centre d'Infanterie de Cherchell

Début 1940, le contexte historique est celui de la mobilisation générale décrétée depuis le samedi 2 septembre 1939 , 0 heure et de la guerre déclarée depuis le 3 septembre 1939.Puis,les classes 39/2, 39/3 et 40/1 ont été appelées sous les drapeaux.
Les incorporés en Afrique du Nord, reçus à la Préparation Militaire Supérieure et certains bacheliers sélectionnés auraient du normalement suivre le peloton d'EOR à Saint-Maixent.Mais cela n'est plus possible d'autant que les allemands après la "drôle de guerre" passent à l'offensive et c'est la bataille de France du 10 mai au 22 juin 1940.
Un "Centre d'Infanterie de Cherchell" est ouvert à partir de la mi-mai 1940. Pierre Renaudin, jeune sedanais, incorporé au 21e Régiment de zouaves à Casablanca est affecté le 14 mai à Cherchell et rejoint les élèves-officiers,plusieurs centaines, formant l'effectif de deux ou trois compagnies. Ce Centre fut baptisé "Groupement Spécial d'Infanterie de Cherchell" d'après Eric Labayle, page 49.Le livret militaire de Pierre Renaudin fait mention de "Centre d'Infanterie de Cherchell".
Pierre Renaudin se souvient de quelques camarades : Hédard, instituteur d'Aubusson, Chartier de Veules les Roses, Duval d'Arnoult, d'un prêtre, Severac, de Max Levy de Casablanca et du capitaine Tricotet, commandant le Centre. Le cadre de vie était spartiate : entassement dans des chambrées, châlits en bois à deux étages, vrais nids à punaises, nourriture de piètre qualité, insuffisante et mal préparée.
Le stage devait durer six mois, trois mois étant consacrés à la formation de chef de groupe avant d'aborder la formation de chef de section.
La convention d'armistice est signée le 22 juin 1940.Elle prévoit dans son artcle 4 la démobilisation et le désarmement des forces armées françaises à l'exception"des troupes nécessaires au maintien de l'ordre intérieur".L'importance des effectifs a été déterminée ultérieurement à Wiesbaden : dans la zone libre l'armée française est limitée à 100 000 hommes. Sur les territoires de l'Empire Français les effectifs admis sont plus importants, 220 000 en Afrique dont 140 000 en AFN.
La commission d'armistice allemande exigea la fermeture du Centre de Cherchell trois mois après sa création, soit septembre 1940. L'instruction fut donc interrompue avant que la formation de chef de section ne fut abordée.Les stagiaires n'avaient reçu qu'une formation équivalente à celle d'un sous-officier chef de groupe.
Renaudin rejoint donc le 7 septembre le dépôt de son corps d'origine le 21e zouaves à Casablanca et il est affecté à la CHR ( Compagnie Hors Rang).Il avait été nommé aspirant, grade qu'il ne conserva que 15 jours avant d'être nommé sergent, grade qui correspondait à son niveau de sortie du peloton de Cherchell.
Ses camarades ont subi le même sort et ce d'autant plus que le nombre des officiers, en surnombre en raison de la réduction de la taille des armées, devait être limité et obligeait à dégager des cadres. Il y eut des mises à la retraite par abaissement de l'âge de retraite et certains services spécialisés (Santé, Intendance) furent "civilisés", le personnel militaire effectuant les mêmes tâches mais avec un statut civil.
Cette expérience du Centre d'Infanterie de Cherchell fut le prélude à la vraie naissance de l'Ecole de Cherchell vingt-six mois plus tard.

Le débarquement du 8 novembre 1942, suivi par la conférence d’Anfa en février 1943, sont deux évènements considérables qui auront une influence sur la fin de la guerre dont ils marquent la charnière, mais également sur l’après-guerre. Le leadership américain, grâce à la puissance industrielle des Etats-Unis et ses moyens militaires s’exercera à plein. La France reprendra sa place dans la guerre, soutenue par l’appui matériel américain, mais sous sa direction, ayant depuis 1940 perdu son statut de grande puissance.



LE DÉBARQUEMENT ANGLO-AMÉRICAIN DU 8 NOVEMBRE 1942 AU MAROC ET EN ALGÉRIE


Mise à l'écart du général de Gaulle et de la France combattante

Ce n’est qu’après l’attaque aérienne japonaise sur Pearl Harbor (Hawaï) du 7 décembre 1941 que le 8 décembre le Président Franklin Roosevelt annonça l'entrée en guerre des États-Unis contre l'empire du Japon. Et le 12 décembre , conformément au pacte tripartite, l'Allemagne et l'Italie déclarèrent la guerre aux États-Unis.
Les Etats-Unis maintenaient des relations diplomatiques avec le gouvernement de Vichy qu’ils estimaient le seul légal bien que collaborationniste.
Après l'entrée en guerre de son pays, le Président Roosevelt maintint cette politique.
La France Libre devenue France Combattante en juillet 1942, après l’union de la France Libre et des réseaux de résistance intérieure, avait des relations conflictuelles avec les américains et était tenue à l’écart des décisions politiques. Le président Roosevelt considérait que de Gaulle n’était pas le chef d’un gouvernement en exil, mais un chef autoproclamé qui devait se borner à un rôle militaire, n’ayant aucune légitimité politique. De plus, il n’y avait pas eu de ralliement massif de l’Empire colonial à de Gaulle, mis à part l’AEF (Afrique Équatoriale Française), et les possessions françaises d’Océanie. Et son échec devant Dakar était encore présent en mémoire.
Cette attitude des américains, dictée principalement par Roosevelt, obstiné dans son hostilité à de Gaulle, explique que celui-ci et le Comité national français de Londres n’aient pas été informés de l’opération Torch (Flambeau), nom donné au débarquement en Afrique du Nord.
La réussite de cette opération d’envergure reposait en grande partie sur la capacité de convaincre les chefs de l’Armée d’Afrique de ne pas s’y opposer et aussi d’obtenir que les troupes françaises se rallient aux alliés contre les forces de l’Axe. Pour cela les américains recherchaient l’homme providentiel. Ils crurent l’avoir trouvé en la personne du général Weygand mais celui-ci, approché par des envoyés du président Roosevelt, non seulement refusa la proposition de prendre le commandement de l’armée en Afrique du Nord mais faisant état de sa loyauté envers le maréchal Pétain déclara qu’il l’informerait de cette démarche.
Le général Giraud, auréolé d’un certain prestige depuis son évasion spectaculaire de la forteresse de Königstein le 17 avril 1942, fut choisi par les américains pour participer à l’opération Torch car, outre l’hostilité et la méfiance que Roosevelt manifestait à l’égard de de Gaulle, il semblait plus qualifié pour obtenir l’adhésion de l’Armée d’Afrique dont nombre d'officiers et de généraux étaient pétainistes, antigaullistes et hostiles à la Grande-Bretagne à cause de la désastreuse agression de Mers-el-Kébir.De plus la population française était en majorité fidèle au maréchal Pétain.

La résistance en Afrique du Nord

Des groupements de résistants favorables à la cause alliée s'étaient secrètement constitués et organisés principalement à Alger et Oran. Le plus connu est le Groupe des Cinq constitué par Lemaigre-Dubreuil, Jacques Tarbé de Saint-Hardouin, Jean Rigault, Henri d’Astier de la Vigerie, le colonel Van Hecke, commissaire régional des Chantiers de Jeunesse. Leur but était de faciliter le débarquement allié en Afrique du Nord, en liaison avec Robert Murphy, consul général des Etats-Unis, et représentant personnel du président Roosevelt. Henri d’Astier de la Vigerie, lieutenant de réserve, affecté au deuxième bureau de la division d’Oran avait déjà à son actif des actions de résistance en métropole. A Oran il prend contact avec le groupe organisé par Roger Carcassonne et recrute dans le milieu militaire ralliant le colonel Tostain, chef d’état-major de la division d’Oran. Démobilisé il poursuit à Alger son recrutement dans les milieux universitaires grâce à José Aboulker, jeune étudiant en médecine.

Accords Murphy-Giraud

C’est le nom donné à l’échange de lettres entre Robert Murphy et Giraud.L'engagement des Etats-Unis qui considéraient la France comme alliée portaient sur :
La restauration de la France dans son indépendance et sa grandeur, la souveraineté française dans les territoires outre-mer, le bénéfice de la loi prêt-bail, l'équipement des forces françaises.
Mais en fait sur des points essentiels il y eut quelques malentendus et même des désaccords qui firent que Giraud faillit en plusieurs occasions renoncer à l’entreprise.
Les américains pensaient que le général Giraud serait plus malléable que de Gaulle. Mais ce général, était éloigné des réalités et avait des ambitions hors du commun. Le général Charles Mast, commandant la division d’Alger et représentant secret du général Giraud avait fait part de ses prétentions lors de la conférence de Cherchell du 23 octobre : Giraud entendait se voir désigné comme commandant des troupes françaises et américaines après le débarquement.

Robert Murphy


Le général Clark était plus que réservé mais n’osa pas s’y opposer fermement car il craignait une rupture des négociations ayant besoin des français pour la réussite du débarquement. Le texte élaboré en fin de conférence, qui devait être soumis à Eisenhower et Giraud pour approbation, disposait que «  Dès les opérations du débarquement terminées, l’armée américaine, avec tous ses moyens, passerait sous commandement français ».
Giraud et les résistants français n’avaient pas encore été informés de la date du débarquement et ne le pensaient pas si proche. Par lettres des 27 et 28 octobre le général Giraud formulait ses exigences : il voulait un accord écrit en ce qui concerne sa prise de commandement quarante-huit heures après le début des opérations, que la force d’intervention soit essentiellement américaine et ne comporte aucun élément français dissident*, et enfin l’engagement des américains à débarquer peu après dans le sud de la France.

*Le mot « dissident » est emprunté au langage vichyste pour désigner les « gaullistes ».

Avec l’accord d’Eisenhower le général Clark révéla à Mast que le débarquement était prévu début novembre.
Le général Giraud ayant déclaré qu’il ne pourrait quitter la France avant le 20 novembre, par une lettre du 2 novembre Robert Murphy lui signifia que le commandement américain et l’organisation mise en place pour cette opération restaient inchangés. Il avait été informé par l’ambassadeur Leahy que le président Roosevelt avait décidé que les plans soient exécutés « comme prévu et qu’il fît de son mieux pour s’assurer de la compréhension et de la coopération des dirigeants français ». Ceci visait principalement la date du débarquement.
En ce qui concerne le commandement, sans instructions de Roosevelt, Murphy prit sur lui d’écrire : « le gouvernement des Etats-Unis n’a pas d’autre désir que de placer le commandement militaire de ces territoires entre les mains de Français dès que possible ».
Transporté par le sous-marin Seraph et par hydravion à Gibraltar, où il arriva le 7, pour avoir un entretien avec le général Eisenhower, il apprit que le débarquement commencerait le 8 novembre aux premières heures de la nuit.
Des discussions s’engagèrent entre les deux hommes, dans le but de faire entendre raison au général Giraud qui persistait à revendiquer le commandement des troupes alliées après le débarquement.
Il est évident que l’exigence de Giraud était impossible à satisfaire l’opération étant pratiquement engagée avec toute la puissance des Etats-Unis et une participation importante des britanniques, l'amiral sir Andrew Cunningham étant le commandant des forces navales.
Eisenhower ne put lui promettre que le commandement des troupes françaises en Afrique du Nord.
Alors que les résistants attendaient le général Giraud à Alger celui-ci mécontent s'attarda à Gibraltar déclarant qu’il « resterait spectateur », avant de se raviser. Il n'arriva que dans l’après-midi du 9 novembre sur l'aérodrome militaire de Blida, rallié aux alliés par le général de Montsabert et ses tirailleurs
Mais c’était trop tard, car évènement imprévu, l’amiral Darlan se trouvait depuis le 5 novembre à Alger au chevet de son fils gravement malade.
En raison d’une absence, celle de Giraud, et d’une présence non prévue, celle de Darlan, la tournure des évènements sera toute autre que celle escomptée par les résistants représentés par le groupe des cinq, par le consul Murphy, et les généraux Eisenhower et Clark.

Opération "Torch", en rouge les anglo-américains, en bleu les allemands

7 et 8 novembre 1942 : Le putsch d’Alger

Les résistants à Alger devaient neutraliser les forces de Vichy, quelques heures avant et pendant le débarquement conformément aux accords de la conférence de Cherchell.
Cette opération passée dans l’histoire sous le nom de putsch d’Alger menée entre autres par le colonel Germain Jousse, commandant de place à Alger, José Aboulker, le commissaire Achiary, chef de la brigade de surveillance du territoire, Henri d'Astier de la Vigerie, et environ 400 jeunes résistants dont plus des deux tiers étaient juifs, fut pleinement réussie.
Les points stratégiques militaires et civils furent investis dans la nuit du 7 au 8 novembre et mis dans l’impossibilité de réagir au moins jusqu’au matin et certains jusqu’au milieu de l’après-midi.
Le général Juin qui avait succédé au général Weygand depuis le 20 novembre 1941 comme commandant en chef des forces françaises en Afrique du Nord fut quasiment prisonnier jusqu'au matin dans sa résidence, la Villa des Oliviers, encerclée par un groupe de jeunes étudiants sous les ordres de l'aspirant Pauphilet.
Robert Murphy se rendit auprès du général Juin et lui demanda que l'Armée française accueille les troupes alliées en amies.
Le général Juin se retrancha derrière l’autorité de l’amiral Darlan. Celui-ci, ancien chef de gouvernement de Vichy jusqu’en avril 1942 et successeur éventuel désigné du maréchal Pétain par un acte constitutionnel, avait le commandement des armées de Terre, de l'Air et de Mer de l’Etat français (Vichy).

Débarquement des artilleurs américains

En l'absence de Giraud, Robert Murphy dans le but d’obtenir un cessez-le-feu des troupes françaises dont la mission, conforme à la pseudo neutralité de l'Etat de Vichy, était de « se défendre contre toute attaque », décida de discuter avec Darlan. Mais celui-ci faisant état de son allégeance au maréchal Pétain ne prit pas de décision.
Il fut donc autorisé à prendre contact avec le maréchal Pétain et se livra dès lors à un double-jeu ordonnant aux troupes françaises de résister et demandant même l'intervention de la luftwaffe sur les convois maritimes alliés.
Extrait du compte rendu du conseil des ministres de Vichy, 8 novembre 11 heures :
«L’amiral Auphan indique que l’amiral Darlan demande que des avions allemands soient envoyés devant Alger pour attaquer les bateaux assaillants. L’amiral Auphan est d’accord sur ce point. Le général Bridoux aussi, mais il pense qu’il faut, de plus, attaquer les terrains.»
Entre-temps la ville d’Alger encerclée par les troupes alliées toute résistance devenait impossible.
Aussi, au soir du 8 novembre, le général Juin, avec l'accord de Darlan, signa avec le général Charles W. Ryder, commandant l’infanterie, un accord de cessez-le-feu limité à la région d’Alger. Ainsi les anglo-américains ont-ils pu pour la suite de leurs opérations de débarquement disposer du port d’Alger intact.
Parmi les résistants l’armée pétainiste fit deux victimes : le lieutenant Jean Dreyfus qui neutralisa la grande poste à Alger tué d’une balle dans le dos par un sous-officier et le capitaine Alfred Pillafort tué par un colonel, sans sommation, à un barrage
Au Maroc et en Oranie les résistants échouèrent à entraîner l’armée dans la conjuration.
Au Maroc, le général Béthouart fut mis en échec dans sa tentative de subversion par le général Noguès, Résident de France au Maroc et pétainiste notoire.
A Oran, les résistants menés par le colonel Tostain eurent l’imprudence de révéler l’imminence du débarquement aux chefs militaires locaux dont le général Boisseau, commandant la division d’Oran, qui refusèrent de se joindre au mouvement et eurent ainsi le temps de prendre des dispositions pour s’opposer vigoureusement aux anglo-américains.
Le cessez-le-feu étant limité à la région d’Alger, les combats sur terre, sur mer et dans les airs continuaient au Maroc et dans la région d’Oran et furent meurtriers.
Le général Clark, adjoint d’Eisenhower, arriva le 9 vers 16 heures à Alger, et fut mis au courant de la situation embrouillée par Murphy.
A 17 heures 30, Murphy et Ryder remirent un projet d’armistice à Darlan et Juin.

Video ina : Dimanche 8 Novembre 1942 : Opération Torch

http://www.ina.fr/video/AFE86001051/dimanche-8-novembre-1942-operation-torch-video.html

Plaque de bronze dévoilée à Gibraltar le 7 novembre 1998 en commémoration de l'Opération TORCH.


«En mémoire des soldats, marins et aviateurs Britanniques et Américains qui ont risqué leur vie pour la libération de l'Afrique du Nord pendant la seconde Guerre Mondiale.
Depuis leur quartier général dans la Forteresse de Gibraltar, le Lieutenant Général Dwight David Eisenhower, de l'Armée des Etats-Unis, et l'Amiral Sir Andrew Browne Cunningham de la Marine Royale dirigèrent l'Opération TORCH, la première grande opération de combat combiné de la 2e guerre mondiale impliquant les forces américaines et britanniques. Le 8 novembre 1942, des éléments du Corps expéditionnaire allié débarquèrent simultanément le long des rivages du Maroc et de l'Algérie. Les leçons apprises et les relations forgées entre les forces Britanniques et Américaines et leurs dirigeants pendant cette campagne conduisirent finalementà la libération de l'Europe.»
Le Conseil américain de Gibraltar- novembre 1998


10 novembre 1942 : Cessez-le-feu généralisé à toute l’AFN

Le 10 novembre au cours d’une réunion en présence du général Clark, l’amiral Darlan se retranchait encore derrière l’autorité du maréchal Pétain, Clark le menaça alors de le retenir prisonnier et de traiter avec le général Giraud. Finalement, Darlan accepta, sans en référer à Vichy, de donner un ordre de cessez-le-feu, expédié à 12 heures 30, aux grands responsables militaires et applicables à toute l’Afrique du Nord.
Dans ce document Darlan déclarait prendre  autorité sur l’Afrique du Nord au nom du maréchal, et ordonnait aux troupes de cesser le combat, de regagner leurs cantonnements et  d’observer la neutralité la plus stricte. Document approuvé par Clark sauf la référence à Pétain.
Le premier objectif des américains, « faire cesser les combats » était atteint. Restait à réaliser le second objectif, le ralliement de l’armée d’Afrique au côté des alliés contre les forces de l’Axe.
Mais le maréchal Pétain par télégramme de 14 heures 50 à Darlan et aux commandants militaires en Afrique du Nord déclara maintenir son ordre de « se défendre contre l’agresseur », désavoua donc Darlan lequel voulut revenir sur son accord. A 15 heures 35 Darlan adressa un message à Pétain lui annonçant qu’il se constitue prisonnier. Il fut empêché de revenir sur son accord par le général Clark qui le fit mettre un temps en résidence surveillée.
Cette attitude légaliste, de respect aveugle de la hiérarchie, Juin s’effaçant devant Darlan et celui-ci devant Pétain, tous ces atermoiements eurent pour résultat que les germano-italiens en tirèrent profit pour s’implanter fortement en Tunisie sans opposition des troupes françaises dans ce pays ; alors qu’en Algérie et au Maroc les anglo-américains étaient reçus à coups de canon !
Dès le 9 novembre Hitler prit de vitesse les alliés et mit en place un pont aérien qui déversa, depuis la Sicile, des troupes en Tunisie. Le 10 novembre une centaine d’avions allemands arrivèrent à El-Aouina, aéroport de Tunis. En quelques jours ce sont 50 000 soldats allemands qui seront projetés en Tunisie où ils seront rejoints par l’Afrika Corps repoussée de Libye par la VIIIe armée de Montgomery.
L'amiral Estéva, résident général en Tunisie, laissa débarquer sans opposition les troupes de l'Axe, obéissant ainsi aux ordres de Vichy. L’obstination du général Noguès au Maroc fit que le cessez-le-feu n’entra en vigueur dans ce pays que le 11 novembre au matin.
Le bilan de ces trois jours de combat fut désastreux. Du côté français : 1319 tués ou disparus, 1898 blessés, un croiseur, deux contre-torpilleurs, sept torpilleurs, un aviso détruits. Du côté allié 1500 tués ou blessés, 44 avions abattus, 216 bateaux de débarquement coulés. (D’après Pierre Ordioni « Le secret de Darlan »)
A ce stade, Giraud dont l’appel radiodiffusé, en son absence, le 8 au matin fut sans effet, est écarté. Les américains pragmatiques s’étaient rendu compte, depuis l’arrêt des combats sur Alger le 8 au soir, que Darlan était le seul à se faire obéir en Afrique et ils pensaient qu’il pourrait rallier la flotte de Toulon, et d’éviter qu’elle ne tombât aux mains des allemands.

Occupation de la zone libre par les allemands, retour de l’Afrique du Nord dans la guerre

Le 11 novembre, l’armistice est rompu, les allemands à 7 heures du matin franchissent la ligne de démarcation. Clark demande à Darlan de donner l’ordre à l’escadre de Toulon de gagner l’Afrique du Nord et à l’amiral Esteva, résident général de France en Tunisie, de combattre les troupes de l’Axe. L’amiral de la flotte refusa invoquant qu’il n’avait pas confirmation de l’invasion de la zone libre et que par ailleurs il n’avait plus l’autorité pour agir, le maréchal Pétain ayant le matin même (message Amirauté à toutes autorités Afrique du Nord, 11 novembre, 8 heures) désigné le général Noguès comme son seul représentant en Afrique du Nord.
Le général Juin lui-même qui passait pourtant pour être favorable aux anglo-américains, n’arrivait pas à s’affranchir de la tutelle vichyste car au matin du 11 novembre il câblait à Pétain : « Le cessez-le-feu se termine ce matin. Si aucun élément n’intervient, je m’efforcerai de donner les ordres confirmant votre message radiodiffusé de poursuivre la lutte ». Etait-ce une manifestation aveugle du respect de la hiérarchie mêlée à une reconnaissance à l’égard de Vichy qui l’avait fait libérer de sa captivité en Allemagne ? Fort heureusement ce grand chef militaire s’est ressaisi par la suite et a facilité un accommodement entre français et avec les américains.
Dans cette même journée deux évènements vont modifier la situation : un télégramme de Vichy fit savoir à Darlan qu’il n’était pas désavoué (désaveu du désaveu) par le maréchal et ce dernier protesta contre l’invasion de la zone non occupée. Dès lors la position de neutralité vis-à-vis de l’Axe n’était plus tenable et Darlan annonça qu’il reprenait sa liberté d’action. Il donna l’ordre à Juin et Estéva de combattre les troupes de l’Axe et télégraphia à l’amiral de Laborde commandant l’escadre de Toulon lui demandant de diriger la flotte sur Dakar. La réponse fut : « Reportez-vous à la réponse de Quièvrecourt à Muselier en 1940 ». Cette réponse avait été celle de Cambronne. Et la flotte sur ordre de Vichy se saborda le 27 novembre. Seuls quelques navires purent s’échapper dont le sous-marin « Casabianca » qui s'illustrera lors de la libération de la Corse.
Les allemands saisirent les bâtiments restés à Bizerte
De la marine française, la quatrième du monde avant la guerre, après les pertes de Casablanca, d’Oran et d’Alger, ajoutées à celles de Mers-el-Kébir et Bizerte il ne restait que des lambeaux ; elle ne pouvait mettre en ligne que quelques navires qui durent être modernisés (radars et DCA) et pour certains envoyés pour réparations et refonte aux USA.
Le 12 novembre, le général juin, commandant en chef des forces françaises d'Afrique du Nord, donne l'ordre au général Barré, commandant supérieur des troupes en Tunisie de s'opposer aux Allemands.
L’agrément de Noguès représentant officiel de Pétain devait être obtenu. Il partit pour Alger non sans avoir câblé à Pétain qu’il lui rendrait compte. Décidément rien ne se décidait sans l’accord de Pétain, situation incompréhensible pour les américains. Au cours d’une réunion à 21 heures 30 à l’hôtel Saint-Georges Clark exigea des français qu’ils surmontent leurs divergences et qu’ils concluent ensuite un accord avec lui.
Le 13 novembre, après une ultime réunion Noguès renonça au titre de représentant officiel du maréchal et accepta que Giraud fût nommé commandant en chef des forces armées, Juin étant le commandement de l’armée de terre, Darlan prenant le titre de Haut commissaire pour la France en Afrique « au nom du maréchal empêché ». Les gouverneurs Châtel pour l'Algérie et Boisson, en cours de ralliement, pour l'Afrique Occidentale Française, gardaient leurs titres, de même que le résident général Noguès au Maroc.
A 14 heures 30 l’accord prévoyant la coopération entre les alliés et les autorités civiles et militaires françaises était signé par les américains et les français en présence d’Eisenhower arrivé de Gibraltar.
Annonçant cet accord dans une proclamation Darlan termina par : « Vive le maréchal ! Vive la France ! ».Darlan se prévalait d’un « accord intime du maréchal». Ce point est très controversé.
Cependant dès le lendemain Giraud accepta de laisser le commandement de la marine à Darlan lequel devenait commandant en chef des forces françaises en Afrique.et Giraud commandant des forces terrestres et aériennes en Afrique. Juin reçut le commandement des forces françaises engagées en Tunisie.
L’accord avec Darlan suscita de vives critiques en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et dans les rangs gaullistes. La presse et la radio dans les deux pays désapprouvèrent le fait qu’on ait pu traiter avec un collaborateur notoire du régime nazi.
Après avoir demandé des explication à Eisenhower, le président Roosevelt, interpelé par la presse et l'opinion publique, fit le 17 novembre une communication par laquelle il déclara que cet accord, justifié par les contraintes du combat, ne constituait qu’un expédient provisoire (temporary expedient), visait deux objectifs : sauver des vies américaines, britanniques et françaises, et éviter une période de « nettoyage »(mopping up) qui aurait pris un ou deux mois, délai qui aurait permis aux allemands et italiens de renforcer leurs positions en Tunisie
.

Général Eisenhower, Amiral Darlan, Général Clark, Robert Murphy

22 novembre 1942 : signature de l’accord Clark-Darlan

L’accord transmis à Washington et Londres pour approbation portait le titre de « Protocole ».
Roosevelt et Churchill ne voulant pas donner à cette convention un caractère trop diplomatique dont aurait pu se prévaloir Darlan, s’accordèrent pour remplacer ce terme de protocole par « accord ».
Dès le préambule il est stipulé :
«En vertu d'un commun accord entre les personnalités officielles dirigeantes en Afrique française du Nord, l'amiral de la flotte, François Darlan, a été reconnu Haut commissaire pour l'Afrique française.
Il a été convenu par tous les éléments français intéressés et par les autorités militaires américaines, que les forces françaises aideront et appuieront les forces des États-Unis et de leurs alliés pour chasser l'ennemi commun du sol d'Afrique, libérer la France et réaliser la restauration intégrale de l'Empire français ».
Bien que s’appliquant à un territoire ami les articles de cet accord mettaient bien les français en état de subordination : les troupes françaises ne pouvaient se déplacer qu’après en avoir fait part au commandant en chef, mise à disposition des alliés de toutes les installations nécessaires, possibilité de réquisition, décision possible d’administration directe de certaines régions.
Le débarquement du 8 novembre 1942 fut lourd de conséquences. Des armées étrangères foulaient le sol du Maghreb en maîtresses sans trop se préoccuper de la souveraineté française sur ces territoires. S'ajoutant à la défaite de 1940, l'image de la France était atteinte et les nationalismes n'allaient pas tarder à donner des signes de reprise.

L’Algérie vichyste avec le consentement américain

Les évènements de novembre 1942 qui ont suivi le débarquement anglo-américain marquent le retour de l’Afrique du Nord dans la guerre et mettent donc fin à la situation d’armistice mais n’entraînent pas la rupture avec le régime de Vichy.
Après le ralliement de l’AOF, favorisé par l’intervention d’Eisenhower, mais que n’avait pas réussi de Gaulle lors de sa tentative sur Dakar, Darlan prend le titre de Haut-commissaire pour l’Empire et signe tous ses actes : « pour le maréchal empêché ».
Bien que le plan élaboré par Murphy n’ait pu être mis en œuvre, les américains avaient atteint leurs buts : faire de l’Afrique du Nord une base d’opérations d’abord pour la libération de la Tunisie puis vers la Sicile, l’Italie et la France et replacer l’armée française au côté des alliés contre les forces de l’Axe.
Le Haut-commissariat maintint toutes les lois et mesures d'exception du régime de Vichy et en particulier ne revint pas sur l’abolition du décret Crémieux de 1870 qui accordait la nationalité française à tout juif d’Algérie.
Les détenus politiques furent maintenus dans les camps de concentration.
Darlan renforça le Haut-commissariat en installant un véritable pouvoir étatique constitué de secrétariats dont les titulaires étaient vichystes et quelques uns, dans un but de ralliement, des protagonistes du putsch pro-alliés mais d’extrême- droite dont le monarchiste Henri d’Astier de la Vigerie et Tarbé de Saint-Hardouin. Lemaigre-Dubreuil est nommé délégué aux Etats-Unis.
Une nouvelle institution fut créée le Conseil impérial composé de dignitaires de l’Afrique vichyste et reconnaissant toujours pour chef le « maréchal moralement prisonnier ».
C’est dans cette Afrique du Nord où les institutions, l’armée et la population civile étaient majoritairement fidèles à l’Etat français et à la personne du maréchal Pétain que l’École de Cherchell fut créée.

Sources :
Jacques Cantier « L’Algérie sous le régime de Vichy », Odile Jacob 2002
Alphonse Van Hecke (Général)« Les chantiers de la jeunesse au secours de la France, souvenirs d'un soldat» NEL, 1970
André Beziat «Franklin Roosevelt et la France (1939-1945) La diplomatie de l'entêtement», L'Harmattan, 1998
Charles Rochat «Papiers Rochat», Archives diplomatiques, 1940
Jacques Berque «Mémoires des deux rives», Editions du Seuil, février 1989

La création de l'École

Dès novembre 1942, la conscription des européens (vingt classes mobilisées) et des musulmans porta les effectifs de l’armée d’Afrique à 330 000 hommes. Ils seront 500 000 à la mi-1943.
Mais les écoles de Saint-Cyr et Saint-Maixent repliées dans la zone libre du sud de la France depuis l'automne 1940 furent dissoutes après l'occupation de cette zone par les allemands, et de toute façon l'Afrique du Nord était coupée de la France Métropolitaine depuis le débarquement allié.
L’armée d’Afrique ne devait compter que sur ses propres ressources.
Dans ces conditions, très vite s’imposa la nécessité de créer une Ecole d'officiers en Afrique du Nord dans le but de former rapidement des centaines de chefs de section et de peloton nécessaires à l’ossature des unités de toutes armes.
C’est le but qui fut assigné à l’Ecole de Cherchell pendant la deuxième guerre mondiale.
Dans un premier temps il semble qu'un seul centre de formation ait été envisagé, celui de Médiouna, au Maroc. En effet, la « Note au sujet de l’instruction » N° I/EMG-3ES du 27 novembre 1942 dispose que « la formation des officiers sera confiée à une école d’aspirants, école unique pour toutes les armes de l’Armée de Terre, installée au Maroc et fonctionnant dès décembre ».
Le centre d'instruction de Cherchell est créé par la note d’instruction n°182, du 6 décembre 1942, signée du général Prioux, major-général des Forces Terrestres et Aériennes :« Il est créé un centre d’instruction d’Élèves Officiers pour l’ensemble des trois pays d’A.F.N. (Algérie, Tunisie, Maroc), fonctionnant à Cherchell (département d’Alger) ».
Le colonel Callies avait reçu mission de créer et d’organiser cette École qui s’appela au départ « Cherchell-Médiouna » car le stage de la première promotion était partagé entre les deux villes, Médiouna étant au Maroc, près de Casablanca. Le colonel Callies prit le commandement de l’Ecole avec pour adjoints le commandant Jannot pour Cherchell et le chef de bataillon Germani pour Médiouna.
« Jusqu’à la fin de la guerre, ses contours statutaires restèrent flous et sa nature mal définie. Etait-elle bien, comme le pensaient certains, « Saint-Cyr déplacé en Afrique » ou ne fut-elle qu’un peloton d’E.O.R. « amélioré », qui aurait accueilli en complément des « Maixentais » et des Cyrards ? Jamais la question ne fut réellement tranchée. » (Eric Labayle « « l’Ecole des Elèves-Aspirants de Cherchell-Médiouna »)
A sa création sa dénomination exacte fut : CIEO (Centre d'Instruction des Elèves-Officiers).

1. Décembre 1942-Avril 1943 : Centre d'Instruction des Elèves Officiers(CIEO):

Ci-dessous, note d'Instruction du 6 décembre 1942 du Général d'Armée Prioux, Major-Général des Forces Terrestres et Aériennes, annonçant la création du CIEO et précisant les conditions de recrutement, d'instruction, d'organisation et de fonctionnement.
Cette note prévoit (page2), qu'après un premier stade de formation générale, une orientation des élèves aurait lieu dans : l'Infanterie, l'Arme Blindée, l'Artillerie, le Génie, les Transmissions, le Train Automobile. Ce fut donc dès l'origine une école interarmes bien que seule la cinquième série, promotion «Rhin Français», reçut ce titre.
Le général Jannot qui alors qu'il était Chef de Bataillon et premier Commandant de l'Ecole a déclaré dans ses souvenirs parlant de la première promotion : «...l'Ecole était réellement inter-armes.La période de formation commune passée, elle comprit trois compagnies d'infanterie, deux escadrons, une batterie et une compagnie mixte Génie Transmissions».
Cependant, "la durée des stages ne permettait pas d'initier les élèves-aspirants à des techniques de combat véritablement interarmes"
«L’École des Élèves-Aspirants de Cherchell-Médiouna (1942-1945)» page 458, Eric Labayle



Suppression du Centre de Médiouna : note du 20 mars 1943


La vie de l'École n'est pas dissociable des évènements politiques, ceux de la deuxième guerre mondiale d'une part et de la guerre d'Algérie d'autre part.
Les différentes missions de l'Ecole s'inscrivent dans le contexte de ces deux grandes périodes. Le moral ainsi que les convictions politiques des élèves subissent les effets des péripéties politiques.
Toutefois, ainsi que l'écrit Eric Labayle : «...les élèves-aspirants avaient trop de travail pour avoir le loisir de s'intéresser aux débats qui agitaient les milieux gouvernementaux. Il n'en reste cependant pas moins vrai qu'en dépit de cette abstinence politique certaine, l'école de Cherchell-Médiouna n'était pas retirée de son siècle. Les échos des luttes d'Alger ou des opérations militaires y parvenaient et si l'E.E.A. n'était pas une agora, c'est bien en tant que reflet des courants de son époque ( dont elle fut un bien modeste acteur et subit certaines conséquences) qu'il convient de l'appréhender.»
Ce constat concernant le Cherchell de la deuxième guerre est tout à fait transposable au Cherchell d'après guerre, celui des guerres de décolonisation.

ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET MILITAIRE EN DÉCEMBRE 1942 ET EN 1943. LA CONFÉRENCE D'ANFA

26 décembre 1942 : Le général Giraud succède à l’amiral Darlan assassiné

Quelques jours après l’arrivée des premiers élèves, le 24 décembre 1942 l’amiral Darlan fut assassiné par Fernand Bonnier de la Chapelle. Le 26 décembre le Conseil impérial désigna le général Giraud comme successeur de Darlan en qualité de Haut-commissaire.
Giraud prit, par une ordonnance du 5 février 1943, le titre de « Commandant en chef civil et militaire » qui se substitua à celui de Haut-commissariat pour désigner l'exécutif français en AFN et AOF.
Sur les ordres de Giraud, dans la nuit du 28 au 30 décembre 1942, les principaux auteurs du putsch d'Alger furent arrêtés et internés à Adrar (Mauritanie) et à Laghouat (sud algérien).
Il fallut attendre le 14 mars 1943, pour que Giraud dans une allocution prononcée à la radio rompe avec Vichy en annonçant que l'armistice du 22 juin 1940 n'avait pas engagé la France. Il déclara que la législation promulguée depuis était sans effet et promit que la victoire s'accompagnerait d'un retour à la démocratie.
Il s’agit donc d’un tournant qui met fin à la fiction du pouvoir exercé au nom de Pétain.
Pourtant le 30 mars le général Prioux, Major-Général des Forces Terrestres et Aériennes, déclarait que le général Giraud n’avait qu’une: «seule ligne de conduite, celle du maréchal ». On peut se demander si la profession de foi républicaine de Giraud n’avait pas été exagérée lors de son discours du 14 mars qu'il qualifiera lui-même ironiquement de « premier discours démocratique de sa vie  » et qui en réalité avait été écrit par Jean Monnet.
On peut noter toutefois que le discours de Giraud fut suivi d'effets : le 18 mars, une série d'ordonnances rétablit le régime républicain en annonçant la fin des conseils nommés et le rétablissement en AFN des assemblées élues qui siégeaient avant 1940 ; les biens confisqués aux Juifs leur furent restitués. Giraud rétablit les libertés individuelles et annonça la fin des lois de discrimination raciale, mais refusa de rétablir le décret Crémieux. Les Juifs d'Algérie demeurèrent par conséquent privés de la nationalité française.
Giraud souhaitait en effet « éliminer toute discrimination entre indigènes musulmans et israélites », jugeant qu'« en Afrique du Nord les Juifs ne devaient pas être considérés autrement que les Musulmans. Ce sont des indigènes pratiquant une religion différente de celle de leurs voisins, pas autre chose ».


Le débarquement du 8 novembre 1942, suivi par la conférence d’Anfa en février 1943, sont deux évènements considérables qui auront une influence sur la fin de la guerre dont ils marquent la charnière, mais également sur l’après-guerre. Le leadership américain, grâce à la puissance industrielle des Etats-Unis et ses moyens militaires s’exercera à plein. La France reprendra sa place dans la guerre, soutenue par l’appui matériel américain, mais sous sa direction, ayant depuis 1940 perdu son statut de grande puissance.


14 – 24 janvier 1943 : La Conférence d’Anfa :


Deux mois après le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, s’est tenue la conférence d’Anfa, (banlieue résidentielle de Casablanca) à l’initiative conjointe du président des Etats-Unis, Franklin Roosevelt et du premier ministre britannique, Winston Churchill, entourés d’un aréopage de militaires et civils. Staline déclina l’invitation.
Les généraux Henri Giraud et Charles de Gaulle furent invités à rejoindre la conférence.
Le but de la conférence était de prendre des décisions stratégiques concernant la suite des opérations.
Début 1943, nous sommes au tournant de la guerre, celle-ci évoluant en faveur des alliés : Von Paulus, chef de la VIe Armée, encerclé à Stalingrad, capitulera le 2 février 1943, et Rommel, depuis El Alamein, ne cesse de reculer. La campagne de Tunisie prendra fin le 13 mai 1943.
Anticipant sur ces évènements les alliés décidèrent :
- De poursuivre la guerre jusqu’à la reddition sans condition des puissances de l’Axe : Allemagne, Italie et Japon (l’Italie avait d’abord été exclue dans l’espoir que ce pays fasse scission). Décision prise en partie pour convaincre les Soviétiques que les Occidentaux ne rechercheraient pas une paix séparée avec l'Allemagne.
- De continuer les opérations en Méditerranée par l’occupation de la Sicile, suivie de l’invasion de l’Italie. Un débarquement en Europe occidentale ne paraissant pas encore possible car il y avait pénurie de bateaux, conséquence de la bataille de l’Atlantique.
- De poursuivre leur aide à l'Union soviétique.
Du point de vue français cette conférence revêt, outre le réarmement promis par les américains au général Giraud, une importance historique : Les anglo-américains souhaitaient une entente entre les deux généraux français, et pensaient que de Gaulle accepterait de se soumettre à l’autorité du général Giraud.
- Le général Giraud qui, ayant succédé à Darlan assassiné, exerçait le pouvoir à Alger en tant que Haut-Commissaire. Giraud, protégé de Roosevelt, et invité par lui, s’empressa d’arriver à Anfa le 19 janvier.
(Après la Conférence d’Anfa, Giraud prit, par une ordonnance du 5 février 1943, le titre de « Commandant en chef civil et militaire » qui se substitua à celui de Haut-commissariat pour désigner l'exécutif français en AFN et AOF.)
- Le général de Gaulle présidait à Londres le Comité national français, instance de la France libre. Il avait proposé plusieurs fois une rencontre au général Giraud qui, invoquant divers prétextes, se dérobait. Le général de Gaulle souhaitait un entretien avec le général Giraud dans le but «d'étudier les façons de regrouper, sous une autorité centralisée provisoire, toutes les forces françaises intérieures et extérieures au pays, et tous les territoires français en position de lutter pour la Libération et le salut de la France.»
Invité à rejoindre la conférence, dans un premier temps il refusa. Churchill lui-même soumis à la pression de Roosevelt, menaça de Gaulle de ne plus le soutenir.
Ne voulant pas se brouiller avec Churchill ni déplaire à Roosevelt de Gaulle se résigna à venir à Anfa où il arriva le 22 janvier.
L’idée de Roosevelt était de créer un triumvirat de généraux : Giraud, Georges, de Gaulle.
La poignée de mains entre Giraud et de Gaulle, pour satisfaire à la demande Roosevelt, marqua une entente de façade entre les deux dirigeants français mais il n’y eut aucun accord formel, le général de Gaulle repoussant l’autorité et l’arbitrage ainsi que la prétention des anglo-américains à s’immiscer dans les affaires françaises jusqu’à proposer la composition du pouvoir exécutif français à instituer.
Il faudra attendre le mois de Juin 1943 pour que les négociations aboutissent, à Alger, à la création du Comité français de Libération Nationale, co-présidé par les deux hommes.
Autre point important du point de vue français et marocain : En marge de la conférence des échanges eurent lieu entre Roosevelt et le sultan du Maroc Sidi Mohammed Ben Youssef qui, dès le début du conflit s’était rangé du côté des alliés contre le nazisme et le fascisme. Mais il n’oubliait pas ses revendications nationalistes et souhaitait que son pays accède à l’indépendance.

Assis sur le canapé : Le Sultan Sidi Mohammed ben Youssef, Roosevelt et Churchill
Au second plan, debout : Le général Marshall, le Consul général Robert Murphy, Harry Hopkins, le prince héritier Hassan âgé de 14 ans, le général Noguès, Résident général de France au Maroc,
le Grand Vizir El Mokri


La position du général Noguès, debout, derrière le canapé est symbolique de l'effacement de la France et marque aussi la défiance des alliés à son égard n'oubliant pas que, obéissant aux ordres de Vichy, il avait reçu les américains à coup de canon lors du débarquement

Le terrain était favorable car Roosevelt était opposé au colonialisme, tout comme l'opinion américaine , cela tenant au fait que les Etats-Unis ont pris naissance dans la libération et dans la fin du colonialisme anglais.
Le Maroc exploita ce capital sympathie pour obtenir le soutien des Etats-Unis aux revendications nationalistes marocaines.
De plus, la Charte de l’Atlantique proclamée le 14 août 1941 par Roosevelt et Churchill édictait de grands principes universels dont celui de la liberté d’un peuple à choisir la forme de son gouvernement et que soit rendu le libre exercice du gouvernement aux peuples qui en ont été privés par la force.(article 3 de la Charte).
Le Sultan examina également le développement de la coopération et des relations entre les Etats-Unis et le Maroc, premier Etat à avoir reconnu l’indépendance du pays de l’Oncle Sam.



Le malaise de l'Armée plongée dans les remous politiques

Après l'arrivée des anglo-américains, la «grande muette» est parcourue par des idées et des allégeances diverses.
La règle bannissant la politique est assez largement remise en question. La discipline, «force principale des Armées», tend à s'affaiblir pour faire place au libre choix, en conscience de chacun.
Après tout de Gaulle ne s'était-il pas lui-même affranchi de la discipline militaire ?
L'Armée était placée dans une situation très difficile : à qui devait-elle fidélité et obéissance? Au Maréchal «prisonnier» des allemands ? à Darlan puis Giraud ? à de Gaulle? Toutefois,après le grave revers de 1940, le patriotisme et l'esprit de revanche étaient des sentiments largement partagés.
La devise du général Giraud « Un seul but : la Victoire» fut celle adoptée par toute l'Ecole de Cherchell.
La rivalité entre gaullistes et giraudistes sévissait en Espagne dès l'arrivée des évadés de France dont le recrutement était convoité à la fois par les français libres et l'Armée d'Afrique.
Après le 20 mai 1943, date de la fin des combats en Tunisie, l'Armée d'Afrique dont les effectifs étaient de l'ordre de 300 000 hommes, co-existait avec les Forces Françaises Libres, 50 000 hommes.
Il eut été logique d'un point de vue arithmétique que les FFL se rallient à l'armée d'Afrique. Mais les FFL, bien que minoritaires, se considéraient dépositaires de l'esprit de résistance face à une armée d'Afrique encore imprégnée de pétainisme.
La fusion des deux armées s'avera impossible au moins dans l'immédiat.
Les FFL cherchaient à constituer une «masse suffisante»(de Larminat) en augmentant leurs effectifs par l'enrôlement de militaires de l'Armée d'Afrique. Ce débauchage (Giraud parlait de racolage !) de militaires en activité, abandonnant leur corps d'origine était considéré comme une désertion, menaçant la cohésion de l'armée et le moral des troupes.
Les généraux de Larminat et Leclerc en étaient les artisans avec les encouragements du général de Gaulle, ce qui contribuait à alourdir le climat politique.
Des bureaux de recrutement ayant été installés en Tunisie, le général Giraud, dans le but d'enrayer les enrôlements, décida en juin 1943 de refouler les FFL à Zouara et Sabrata en Tripolitaine (Libye).
L'arrivée du général de Gaulle à Alger le 30 mai 1943 et la création du Comité Français de Libération Nationale coprésidé par Charles de Gaulle et Henri Giraud permit progressivement d'atténuer la rivalité des deux armées qui auront encore jusqu'au 31 juillet 1943 deux états-majors distincts.
Le 1er août 1943 la fusion de l'ensemble des Forces françaises est réalisé et les unités de la France libre qui avaient conservé leur dénomination, alors que la France Libre était devenue France Combattante le 13 juillet 1942, deviendront 1ère Division Motorisée d'Infanterie (ex 1ère DFL) et 2e Division Blindée le 24 août (ex 2e DFL).

Le réarmement de l'armée française

L'équipement de l'armée française en armes et matériel était périmé et n'était plus au niveau d'une armée moderne.Le camouflage de matériel et d'armes pendant la période de l'armistice s'avérait plus un acte patriotique que d'une réelle efficacité.Les troupes françaises dont la combativité fut exemplaire, avaient pourtant pris part à la campagne de Tunisie avec un matériel insuffisamment performant.
Cette pénurie de matériel moderne fut duremant ressentie pendant les deux premiers stages de Cherchell.(Voir Eric Labayle," L'école des élèves-aspirants, à partir page 107).
L'aide militaire nécessaire à la reconstitution des forces françaises fut envisagé en octobre 1942 lors des entretiens de Cherchell (Algérie), entre le général Mark W. Clark et le général de brigade Charles Mast, représentant respectivement le président américain Roosevelt et le général Giraud.
A la conférence d'Anfa (Banlieue de Casablanca) du 14 au 24 janvier 1943, le président Roosevelt accepta le réarmement de trois divisions blindées et de huit divisions d'infanterie motorisées. Ce plan s'inscrivait dans le cadre de la loi prêt-bail (lend-lease). L'effort américain fut considérable, d'autant que dans le même temps l'aide américaine s'exerçait aussi au profit des anglais et des russes.
Les combats en Tunisie ayant pris fin le 20 mai 1943, tout le reste de l'année fut consacré au réarmement des grandes unités combattantes de l'armée française, ainsi qu'un grand nombre d'unités de soutien, et leur entraînement avant leur engagement en fin d'année dans le Corps Expéditionnaire d'Italie.
Cependant l'état-major français avait eu tendance à privilégier le nombre des unités de combat au détriment des unités de service, ce qui rendit le corps français d'Italie tributaire des américains.
Voir ci-dessous l'ampleur du réarmement :

http://www.ecpad.fr/wp-content/uploads/2013/01/Dossier-th%C3%A9ma_r%C3%A9armement.pdf

Incidents survenus à Cherchell en 1943


Plusieurs incidents impliquant les élèves de l’Ecole ont donné lieu à des rapports de police et de gendarmerie. De ceux-ci il ressort que :

1. Le dimanche 21 mars 1943, la population de Cherchell, pour exprimer sa joie du retour aux institutions républicaines, pavoisa aux couleurs françaises et placarda sur les murs des dessins en couleur représentant Marianne.
(L'ancien maire, Henri Baretaud, déchu par Vichy était redevenu maire de Cherchell remplaçant Maurice Charles-Clement nommé le 5 avril 1941 par le préfet d'Alger.)
Ce retour aux principes républicains et aux partis politiques n'était pas du goût de certains cadres de l'armée d'Afrique qui imputaient largement la responsabilité de la défaite de 1940 aux dérives de la Troisième République.
Des heurts se produisirent en particulier dans des cafés entre civils et élèves aspirants, et des dessins de Marianne furent déchirés en ville.

2. Le lundi 22 mars vers 8 heures trente, les élèves aspirants sous les ordres de leurs officiers se rendant en colonne au cinéma de Cherchell s’arrêtèrent devant l’entrée et entonnèrent le chant du Maréchal. Ce même jour vers 12 heures 50, un groupe d’élèves aspirants, traversant la ville, entonna devant la gendarmerie « Maréchal, nous voilà » sur ordre de l’officier commandant le détachement. Vers 21 heures, pour la troisième fois de la journée, un groupe revenant de l’exercice remplaça, sur ordre du chef du détachement, son chant de marche par celui du Maréchal en passant devant la Mairie.
Dans un souci d’apaisement le commandant Jannot interdit de chanter « Maréchal nous voilà ».
Dans un rapport du 22 mars, au général d’armée, major général le commandant Jannot s’exprime ainsi :
« Depuis trois ans on a dit aux jeunes gens que la défaite était imputable au régime que la France avait connu avant 1939. Depuis trois mois on leur parle de revanche et de victoire. Maintenant, on rétablit le régime qui (à tort ou à raison) était considéré comme le principal responsable de nos désastres. On parle d’union devant l’ennemi et ils constatent que c’est la division qui renaît. Les élèves ne comprennent pas et s’inquiètent. Les officiers et sous-officiers qui ont prêté un serment* dont on ne les a pas relevés murmurent. Une seule chose reste certaine, cadres et élèves conservent en eux leur volonté ardente de se battre pour la France. Si l’on ne veut pas que cette volonté s’évanouisse, si l’on ne veut pas que la division se mette dans l’Ecole elle-même, il faut que les cadres et les élèves se sentent soutenus par un pays uni, confiant en eux et fier d’eux. Il faut qu’ils aient la certitude qu’ils travaillent et qu’ils ont fait le sacrifice de leur vie pour la renaissance de la France et non de celle des partis politiques.»

*Serment au Maréchal : «Je jure fidélité à la personne du chef de l'Etat, promettant de lui obéir en tout ce qu'il me commandera pour le bien du service et le succès des armes de la France.»

3. Le 24 mars des représentants de la municipalité vinrent décrocher des portraits du Maréchal dans un garage de l'Ecole. Le commandant Jannot prescrivit de ne pas rétablir « pour le moment » le portrait du Maréchal.

4. Rapports du BCRA* : n°2853 du 17/04/43 (daté d'Alger) : désigne des « officiers très dangereux » qui « furent sans aucun doute les instigateurs du scandale de Cherchell ». L’aumônier de l’Ecole est désigné pour avoir pris la tête d’une manifestation. Le rédacteur du rapport préconise de le mettre en résidence surveillée ou de le « faire affecter dans le bled » par une démarche auprès de l’archevêché ! Parmi les officiers nommés figure le colonel Callies qui aurait tenu des propos désobligeants à l’égard du général de Gaulle et déclaré « il faut suivre le Maréchal ».
Un deuxième rapport du BCRA, n° 2858, daté en tête du 25 mars 1943, Blida, semble être, au début, la recopie du procès-verbal de gendarmerie qui détaille les incidents survenus à Cherchell entre civils et militaires. L’encadrement de l’Ecole est nettement mis en cause : 
« Tous ces incidents ont exaspéré la population. Elle est lasse de la conduite désordonnée de certains officiers, lasse de leur arrogance. Elle demande que des sanctions soient immédiatement prises contre les officiers, qui au mépris des instructions reçues, n’en continuent pas moins auprès de leurs élèves leur propagande hostile aux alliés. A leur arrivée à Cherchell, les élèves aspirants n’avaient pas, parait-il, mauvais esprit.
Une propagande sournoise, pro-allemande semble être faite par certains animateurs dangereux ».
Ce rapport, in fine, comporte une note datée de Londres, 5 mai 1943 :
« De tout ce qui précède et de l’avis des notables de Cherchell, pour rétablir le calme dans la localité il y aurait lieu :
I° D’interdire à M. l’Aumônier de pénétrer dans l’école.
2° D’expulser de la localité, de changer de résidence ou d’envoyer dans des camps de concentration tous les animateurs désignés ci-dessus.
3° De désigner un autre commandant d’armes à Cherchell et de remplacer le commandant Jannot comme directeur de l’école de Cherchell.
4° Renvoyer de l’école certains officiers et élèves ayant une politique contraire à celle du général Giraud.
5° Si besoin est, d’installer l’école des élèves aspirants dans un camp éloigné de Cherchell.

*BCRA : Bureau Central de Renseignements et d’Action ; pendant la seconde guerre mondiale était le service de renseignements et d’actions clandestins de la «France Libre», puis de la «France combattante» après son changement de dénomination le 13 juillet 1942.
Ce service est rattaché à l’Etat-major particulier du général de Gaulle.

Un rapport du commissariat de police de Cherchell en date du 22 mars 1943 (SHD DAT 7 P 185) relate les mêmes faits quasiment dans les mêmes termes. Il semble que le rapport du BCRA du 25 mars, donc postérieur, ait été largement inspiré par le rapport de police. En ce qui concerne les «éléments perturbateurs civils» le commissaire propose le changement de résidence de la directrice de l'école indigène de filles et les mutations du chef de bureau de la Banque de l'Algérie et de la directrice de l'école des filles.

5. Pendant le stage de la promotion « Tunisie », alors que le lieutenant-colonel Guillebaud avait succédé au commandant Jannot, trois élèves de l’Ecole déchirèrent un drapeau français à croix de Lorraine. Selon les sources les dates de ce nouvel incident divergent : il aurait eu lieu en juin 1943 ou le 14 juillet 1943*. L’évènement lui-même est sujet à controverse : d’après le témoignage d’anciens élèves ( Raymond Muelle et Jean Delvigne) « jamais un drapeau français à croix de Lorraine n’a été déchiré, ni brulé, ni profané en aucune façon par les élèves de Cherchell, mais tout simplement remplacé par un drapeau national sans aucun signe distinctif ».

*juin 1943 : lettre du 18 janvier 1944 du président de la commission d'épuration 2, rue Arago, Alger, dossier n°769.
*14 juillet 1943 : Rapport du 4 février 1944 du lieutenant-colonel Guillebaud en réponse aux explications demandées par le président de la commission d'épuration et lettre du 2 août 1943 du maire de Cherchell au lieutenant-colonel Tesseyre, commandant d'armes.

6. Le 24 juillet le Groupe des Amis de Combat invita le lieutenant-colonel Guillebaud et l’École à assister à cérémonie aux couleurs destinée à « laver l’insulte » faite au drapeau à croix de Lorraine. Au prétexte de vouloir éviter tout nouvel affrontement, le lieutenant-colonel Guillebaud ne se rendit pas à cette invitation et consigna l’ensemble de l’Ecole dans ses quartiers durant la cérémonie. Ce qui fut interprété comme un nouvel outrage…
Les deux élèves responsables de la soi-disant lacération du drapeau se dénoncèrent et sur ordre d’Alger la sanction prononcée fut l’exclusion immédiate de l’Ecole. Il s’agissait de deux amis, Jean Fleury et Jacques Vizioz, qui préparaient Saint-Cyr ensemble lorsqu’ils décidèrent de s’évader de la France occupée, qui ensemble, franchirent les Pyrénées, furent internés en Espagne et finalement rejoignirent l’Afrique du Nord. Ils s’engagèrent aussitôt et intégrèrent Cherchell.
Ils furent renvoyés en corps de troupe. Jean Fleury fut grièvement blessé dans la bataille du Garigliano et dut renoncer à sa vocation militaire.
Jacques Vizioz, brigadier-chef au 4e Escadron du 4e Régiment de Spahis marocains est mort pour la France le 20 juin 1944 à Viterbo (Italie).


7. le 18 août 1943, une ordonnance du CFLN (Comité Français de Libération National) coprésidé par les généraux de Gaulle et Giraud institua une commission d'épuration.
L'épuration de l'armée qui s'apprêtait à poursuivre le combat, après la campagne de Tunisie, était sans aucun doute nécessaire, car elle ne pouvait, pour des raisons de sécurité, conserver en son sein des éléments indignes de confiance. A cette exigence de sécurité s'ajoutait un devoir moral de sanctionner les collaborationnistes. Toutefois, le zèle manifesté par la commission d'épuration d'Alger la conduisit à des jugements outranciers voire mensongers à l'égard des élèves-aspirants.

Le 18 janvier 1944, le président de la commission d’épuration d’Alger, adressa au chef d’état-major général « guerre », le général Leyer, une commission rogatoire ayant pour but d’inviter le colonel Guillebaud à donner par écrit ses « explications » sur « les griefs mis à sa charge » et dont l’épurateur donne la liste, à l’époque où le colonel Guillebaud commandait l’Ecole militaire de Cherchell :
1. Le commandement de l’École est encore attaché à une idéologie périmée. Sans convictions véritables il se laisse guider par l’opportunisme. Le commandant Larroque faisait, jadis, partie du cabinet militaire de l’Amiral Darlan.
2. Plusieurs élèves ont déchiré en juin un drapeau français à croix de Lorraine. L’attitude du Colonel Guillebaud, commandant l’École n’a jamais été éclaircie dans cette affaire. Atmosphère politique trouble provoquée par la constante ingérence du commandement dans les petits évènements quotidiens qui suffisait à leur donner un caractère de gravité qu’ils n’avaient pas.
3. Recrutement des élèves : ils sont en général d’esprit primaire, sans véritable idéal. On ne cherche pas à leur en donner, sous couvert de neutralité.
4. Les résultats finaux dépendent de l’examen et de la cote d’amour. L’examen n’a pas de valeur sélective réelle (tout le monde a la même note en « combat »)
La cote d’amour est le plus souvent inspirée par des conditions étrangères au travail des élèves et témoigne de graves erreurs de jugement : il est remarquable que de l’avis de tous les catégories suivantes ont été défavorisées :
-Les évadés de France ( 1 reçu sur 10 environ)
-Les élèves dont les sympathies pour la France Combattante étaient trop manifestes (à l’exception de ceux du Corps Franc d’Afrique)
-Les juifs
-Très fréquemment les universitaires.
Ce qui ressort en guise de conclusion
1. A-t-on formé vraiment à l’École, ainsi qu’on se l’était proposé, une « élite combattante »
-Il semble que non : le mot « élite » impliquant ici à la fois unité et élévation. Alors qu’on n’a, dans la réalité, à part quelques cas isolés, qu’inconsistance et inconscience des buts à atteindre. Ni le recrutement des élèves, ni l’action des instructeurs ne permettaient d’arriver à un résultat appréciable sur ce point.
2. A-t-on formé des chefs ? Il faut alors savoir dans quel sens on prend le mot « chef ». S’il s’agit de petits gradés capables d’une action immédiate et ayant appris leurs règlements ? Peut-être.
S’il s’agit d’hommes sûrs d’eux-mêmes, dignes du moment, prêts à assumer des responsabilités plus larges, capables de quelques vues claires ? Non.

Le général Leyer et le général Berges, directeur du personnel, demandèrent au général d’Armée Alphonse Juin, commandant le Corps Expéditionnaire Français en Italie » d’adresser d’urgence les éléments de réponse aux questions posées sur la situation de l’intéressé ».
Le 31 janvier 1944, Juin demanda au général Joseph de Goislard de Monsabert, commandant la 3e Division d’Infanterie Algérienne (3e D.I.A.) de fournir « tous renseignements utiles sur la valeur au feu des aspirants instruits par le colonel Guillebaud » ; et de mentionner « le cas échéant le nom de ceux qui se seraient distingués ». Le colonel Guillebaud, commandait le 4e Régiment de Tirailleurs Tunisiens (4e R.T.T.) depuis le 27 janvier 1944, date de la mort au combat de son précédent commandant, le colonel Jacques Roux. « Encore une incartade du comité d’épuration » écrivit le général de Monsabert dans ses « Notes de guerre ».
Le 4 février 1944, le colonel Chevillon, commandant l’infanterie divisionnaire de la 3e D.I.A., retourne à son chef, le général de Monsabert, son enquête sur le lieutenant-colonel Guillebaud.
Il déclare que les sentiments nationaux du lieutenant-colonel Guillebaud sont hors de tout soupçon. Ses citations, son évasion particulièrement difficile, montrent un chef recherchant toutes les occasions de "servir" sa Patrie les armes à la main.
«Ses sentiments de politique intérieure me sont inconnus.
Son activité et ses tendances sont celles d'un officier qui a voulu par tous les moyens, préparer la revanche immédiate de notre défaite de 1940 et qui, dans ce but, a accepté avec enthousiasme la mission délicate de former des jeunes aspirants.»
Quant aux griefs formulés, le colonel Chevillon déclare :
«Cet officier supérieur n'a pas relevé l'insulte d'être sans convictions véritables et de se laisser guider par l'opportunisme. Il a bien fait. J'ai du reste signalé ses mérites et ses hautes qualités de combattant et de chef.
Le recrutement des élèves s'effectuait selon les ordres de l'Etat-major général guerre et sans intervention du commandant de l'École.
La cote d'amour qui est donnée une seule fois dans les examens militaires joue ici le rôle d'un livret scolaire avec les appréciations d'un professeur sur le candidat.
En conclusion l'auteur de la dénonciation se demande si l'on a formé des chefs. Les sévères batailles d'Italie permettent dès maintenant de répondre, oui, pour les aspirants sortis de Cherchell qui y ont participé. Je ne doute pas que les batailles de libération du sol national confirment ce jugement favorable.
Ce sera la meilleure récompense pour le lieutenant-colonel Guillebaud des soucis et des difficultés que lui a causé le commandement de l’École d’élèves aspirants de Cherchell ».
Le 6 février 1944, Monsabert adopte les conclusions du colonel Chevillon :« Les accusations portées contre Guillebaud me paraissent dénuées de tout fondement…C’est un chef de grande valeur […] ses sentiments sont ceux d’un soldat loyal […] il ne fait pas de politique ».
Quant à « avoir formé des chefs », Monsabert en donne une preuve dans sa division, avec l’aspirant Carbonnel, sorti numéro 1 de Cherchell (promotion « Tunisie ») : «Blessé à la tête de ses hommes, resté dans les lignes ennemies, il s’est traîné pour rejoindre les nôtres, donnant ainsi un magnifique exemple qui lui vaut une proposition à l’ordre de l’armée. Il a été ainsi prouvé que la cote d’amour réglementaire dont il avait été l’objet avait été judicieusement portée ».


Le 4 février 1944, Guillebaud donna lui-même des explications et sur les jeunes formés à Cherchell conclut ainsi : « Plusieurs parmi eux sont tombés déjà sur le front italien, montrant qu’ils étaient dignes de leurs anciens ».(Voir son rapport ci-dessus).
L’affaire s’arrêta là et Guillebaud par la suite fut nommé général.

Lieutenant-colonel Guillebaud
Commandant le 4e R.T.T.


Le jugement porté à l'encontre des élèves-aspirants par le censeur ne mérite que le mépris. Les cherchélliens se sont couverts de gloire : 57 d'entre-eux ont été tués en Italie dont 52 des deux premières promotions, «Weygand» et «Tunisie». De nombreuses citations élogieuses ont été décernées (Voir l'ouvrage « Ils venaient de Cherchell » et la revue Militaria n°280 de novembre 2008).
Jacques Vizioz exclu de l'École était était d'une famille de patriotes.Son frère, le docteur Jean-Paul Vizioz écrivait le 7 avril 2012 :
«Mes trois frères aînés ont tenté de rejoindre l'Algérie en 41, 42, 43. L'aîné Jacques a intégré l'Ecole de Cherchell après avoir traversé l'Espagne sans encombres.
Le 3e Philippe* était à Saint-Cyr à Aix-en-Provence, et a lui aussi décidé de gagner l'Algérie après que les allemands aient envahi la zone libre.
Il a passé plusieurs mois dans les prisons franquiistes avant d'être libéré et de pouvoir continuer sa carrière militaire, l'Indochine et ensuite les affaires indigènes au Maroc.
Le 2e Michel ne s'est décidé qu'en 43, a été arrêté à la frontière, et après Compiègne a été envoyé à Buchenwald. Il a pu miraculeusement sauter du train en Lorraine !!»
*Philippe Vizioz, promotion «Libération».
Le général de Monsabert, indigné que la commission d'épuration fasse enquêter sur des officiers combattant sous ses ordres, accomplissant leur devoir sur le front si difficile d'Italie, écrit dans ses « Notes de guerre » : «...Au milieu de cette lutte héroïque, les politiciens poursuivent leur haine. On est venu chercher au front le capitaine Carré parce que ex-S.O.L.*.Le papier ne l'a pas atteint : il était entre-temps mort pour la Patrie...»
Et Monsabert poursuit :«7,8,9 février contact avec le 4e R.T.T., puis le 7e. Retour des lignes : figures creuses, barbes de quinze jours, hommes éreintés mais yeux ardents. Ah, la belle chose que le don de soi poussé jusqu'à l'extrême limite de la fatigue et de la vie !...Ah, comme la France revit dans ses martyrs !»
*Service d'Ordre Légionnaire
...
«Et je suis monté au belvédère.
J'ai vu ce terrain gigantesque d'une lutte inouïe; ces marches d'un escalier de roche, monumental, cette muraille qu'ils (les tirailleurs) ont escaladée, après avoir traversé la ligne principale de résistance ennemie; ce perchoir où ils se sont accrochés et où ils ont lutté à la grenade, à la pierre, à la baïonnette(25 assauts pour certains) jusqu'à l'extrême limite de l'épuisement et de la fatigue, pour garder cette portion de gloire qu'ils s'étaient taillée.
Ah, les braves gens!»

Général Joseph de Goislard de Monsabert
Commandant la 3e Division d'Infanterie Algérienne (3e D.I.A.)



Sources:
Archives SHD, cotes 15P171 et 7P185
Eric Labayle «De la Revanche à la Libération, l'École des Elèves-Aspirants de Cherchell-Médiouna (1942-1945)», 1996
Claude Paillat et Francis Boulnois «Dossiers secrets de la France contemporaine/7, l'occupation ** La France dans la guerre américaine» Robert Laffont

2.L’Ecole d'Élèves Aspirants d'AFN (EEAAFN) 1er avril 1943

Ce n'est qu'à compter du 1er avril 1943, alors que le stage de la première promotion allait se terminer, que le CIEO prit le titre d'EEAAFN (École des Elèves Aspirants d'Afrique du Nord) .



Note de service n°422 FMG/3E du Commandement des Forces Terrestres et Aériennes en Afrique et son annexe




La caserne Dubourdieu
De part et d’autre du bandeau au-dessus du portail, l’insigne du 1er Régiment de Tirailleurs Algérien dont le 2e Bataillon, en garnison à Cherchell, occupait cette caserne avant son départ pour la Tunisie.

Photographie du Service Cinématographique des Armées extraite du livre « Ils venaient de Cherchell » (Éditions Lavauzelle)



Insigne du 1er R.T.A. : dans un croissant d'argent dont les 2 branches se rejoignent sur une main de fatma chargée du chiffre 1 figure la devise du Régiment inscrite en caractères arabes "Toujours le premier"(dâyman el ouwwel)



1er août 1944 :
Visite d'inspection du général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire de la République française, accompagné de M. André Diethelm, commissaire à la guerre et du général Leyer, chef d'état-major de l'armée.


Le général de Gaulle et sa suite furent accueillis au seuil de l'antique Césarée par M. Henri Baretaud, maire et par les notabilités civiles, militaires et religieuses de la région, françaises et musulmanes.
Un important défilé eut lieu sur la route d'Alger.
A noter que ce même jour, ler août 1944, la 2e Division Blindée, sous le commandement du général Leclerc, débarquait en Normandie, à Saint Martin de Varreville, sur la plage d’Utah Beach où a débarqué la 4e division d’infanterie américaine le 6 juin. Le Régiment Blindé de Fusiliers Marins (R.B.F.M.) dans lequel sert Philippe de Gaulle, enseigne de Vaisseau, est intégré à la 2e DB.

Défilé d'une batterie de F.T.A.
Le lieutenant-colonel Huguet commandant l'École à la gauche du général et derrière à droite le général Leyer


Le défilé terminé et après la visite du nouveau stade, le général se rendit à l'École des aspirants. Dans la cour de la caserne Dubourdieu, les élèves venus de toutes les provinces de France et des territoires de l'Empire étaient rassemblés. Beaucoup d'entre eux étaient parvenus en Afrique du Nord après de dramatiques péripéties.Après les avoir passés en revue, le général visita les différentes parties de l'école et prononça au foyer une courte allocution devant les élèves réunis.

Le général de Gaulle et sa suite franchissent le portail de Dubourdieu


Le général de Gaulle, ayant à sa gauche le général Leyer, passe en revue les futurs aspirants de la promotion
«Marche au Rhin», présentés par le lieutenant-colonel Huguet assisté du commandant Jean Barrat, commandant en second et instructeur en chef de l'École


Allocution faite à l’École des élèves-aspirants de Cherchell


Mes chers enfants,
Je suis content, très content et très honoré de voir aujourd’hui les élèves-aspirants de l’École de Cherchell.
L’atmosphère y est simple, claire, nette, militaire ; elle est ce qu’elle doit être. On sent qu’il règne ici l’esprit de guerre, de droiture, de renouveau. Ceci s’applique à la chose militaire qui ne se sépare pas des autres choses, c’est un esprit bien français et qui se doit à vos instructeurs, à vos chefs, à vous-mêmes.
On croit que la guerre va se terminer bientôt. C’est possible, mais ce n’est pas sûr. Nous sommes, je crois, à la dernière phase, mais pas à la fin de la dernière phase, et je suis convaincu que vous tous qui êtes ici vous arriverez à temps pour employer vos armes contre l’ennemi.
J’espère quand même que vous n’aurez pas à les employer longtemps, que ça doit aller vite, que ça doit aller très vite. De toute manière, nous combattrons et nous vaincrons.
Les jeunes gens que vous êtes, jeunes Français, jeunes soldats, sont en mesure mieux que personne d’apprécier jusqu’où nous avons coulé, où nous en sommes et vers quoi nous voulons remonter, d’abord par les armes. C’est pourquoi vous êtes ici et c’est pour cela que vous participerez à refaire la France quand les armes auront fini d’agir.
La guerre, nous l’avons commencée mal. Nous avons subi un grand désastre, mais nous sommes sortis du désastre, parce que nous étions capables de nous en sortir, nous autres Français. Nous en sommes sortis avec nos moyens et c’est avec ces mêmes moyens que nous irons à la victoire. Je puis vous le dire d’ailleurs : les troupes françaises qui ont été engagées en Italie, vous le savez, puisque parmi vous certains y ont été, ont été ce qu’il y a de mieux au monde, ennemis compris.
Ce que nous allons faire en France, avec notre armée, nos troupes, je vous prédis qu’on en parlera très longtemps. Vous y serez à votre tour, car la guerre ne sera pas finie avant septembre. Après, ceux d’entre vous qui survivront, auront un grand travail pour le reste de leur vie. Ils auront à contribuer, où ils seront, à la plus grande France ; quand je dis : la plus grande, je veux dire : à la grandeur de la France.
Il ne peut pas survivre une France qui ne serait pas la vraie France. Elle ne peut l’être sans l’ardeur, sans la discipline, sans le désintéressement de ses enfants. Vous êtes la jeunesse, vous êtes une partie de sa jeunesse. Vous avez un immense devoir envers la France, je ne doute pas que vous sachiez le remplir.
La France sera grande, je suis convaincu que la masse de ses enfants veut qu’elle le redevienne.
Au point de vue militaire, elle sera forte. Il lui faut une grande armée, une grande aviation, une grande marine. Tout cela, nous le ferons, ou ceux qui nous survivrons, parce qu’il faut que cela soit. Après beaucoup d’épreuves, la nation française renaîtra plus belle, plus forte, plus rayonnante que jamais.
Mes enfants, pour le moment, vous avez la joie de servir, l’orgueil des armes, l’espoir des ambitions, et vous faites, en même temps, le plus joli rêve : le rêve de gloire auprès d’un étendard.
Garde à vous !...Au revoir…
LETTRES NOTES ET CARNETS, JUIN 1943-MAI 1945, Charles de Gaulle, Plon 1983

Après le discours le général s'entretient avec les futurs aspirants



Max Gallo relate ce passage de de Gaulle à Cherchell en imaginant son héros faisant retour, en pensée, sur son passé de jeune saint-cyrien, « face à ces jeunes hommes » :
«…il passe en revue les élèves aspirants de l’École militaire de Cherchell. La chaleur est si sèche, à cause du vent chargé de sable, qu’elle coupe le souffle, fouette. De Gaulle marche à pas lents. La garde du drapeau est figée dans un garde à vous minéral. De Gaulle s’arrête en face de ces jeunes hommes. Il avait été si fier d’envoyer à son père la photo d’une revue de Saint-Cyr sur laquelle on l’apercevait. Il se trouvait à quelques hommes du porte-drapeau.
Il pense à Philippe. Il a la gorge nouée.
« Mes chers enfants, commence-t-il. Je suis content, très content et très honoré de voir aujourd’hui les élèves aspirants de l’École de Cherchell. »
Il regarde ces futurs officiers auxquels on a commandé de se mettre au repos, mais demeurent pour la plupart figés, les yeux tournés vers lui.
« L’atmosphère y est simple, claire, nette, militaire, reprend-il. On sent qu’il règne ici l’esprit de guerre, de renouveau… »
Il parle de la guerre, de l’œuvre qui restera à accomplir. Il ne peut détacher ses yeux de ces rangs immobiles. Il est étreint par la nostalgie de ce moment de la vie où l’on ignore les ombres et les marécages. La jeunesse, la sienne, avant, avant 1914.
« Mes enfants, reprend-il d’une voix forte, pour le moment, vous avez la joie de servir, l’orgueil des armes, l’espoir des ambitions, et vous faites en même temps le plus joli rêve : le rêve de gloire auprès d’un étendard.»
Il se redresse. Il lance :
« Garde à vous !... au revoir.»
Max Gallo : « De Gaulle : La solitude du combattant - 1940-1946 » (Robert Laffont)

Le chef du Gouvernement et sa suite quittèrent alors l'École et gagnèrent un terrain d'exercice proche où ils assistèrent à une manoeuvre éxécutée par les futurs aspirants. Il s'agissait de l'attaque d'un blockaus par une section d'infanterie avec tirs réels de mortiers, d'armes lourdes d'infanterie, d'armes automatiques et de grenades.
Avant de regagner Alger, le général de Gaulle félicita le lieutenant-colonel Huguet, commandant l'École, ses collaborateurs et les élèves.


Sources : L'Echo d'Alger, 2 août 1944; Photos ECPAD France

Avant cette visite du général, deux de ses neveux avaient été élèves de l'École de Cherchell :

François de Gaulle, né le 13 02 1922, fils aîné de son frère Jacques, promotion « Weygand » (décembre 1942- mai 1943), fut après la guerre missionnaire de la Congrégation des Pères blancs en Haute-Volta (Burkina Faso depuis 1984). A été l’un des co-célébrants de l’office religieux aux Invalides le 8 octobre 2010 à l’occasion de l’hommage national rendu à l’Ecole de Cherchell.

Pierre Cailliau, né le 6 mars 1921 au Havre, fils de Marie-Agnès de Gaulle, sœur du général, évadé de France, passé par l’Espagne en janvier 1943, promotion « Libération » (octobre 1943-avril 1944), lieutenant 1ère DFL, BM 24, débarquement de Provence à Cavalaire, puis campagne de France.

Le 15 novembre 1943, le général de Gaulle écrivait d’Alger à son fils Philippe, enseigne de vaisseau, frégate LA DECOUVERTE à Greenock (Ecosse) :
« Mon bien cher Philippe,
J’ai reçu ta lettre pour ma fête et t’en remercie beaucoup. Je te félicite de ton embarquement, quoique je mesure d’avance les épreuves que comportent le service à bord d’une telle frégate et le poste qui t’y est attribué.
… Je fais venir Roger ici […]
Pierre est à l’École des aspirants de Cherchell. François se prépare à combattre avec son régiment d’artillerie. Nous attendons Bernard qui est en Espagne. … »
Roger et Bernard (né le 27 08 1923, intégrera la promotion « Marche au Rhin » en avril 1944) étaient également neveux du général.

LETTRES NOTES ET CARNETS, JUIN 1943-MAI 1945, Charles de Gaulle, Plon 1983

Du 15 12 1942 au 30 10 1944, quatre promotions sortirent de Cherchell qui n’est pas le prolongement de Saint-Cyr mais une École ayant sa propre personnalité.
Une 5e promotion (RHIN FRANCAIS) est formée d'octobre 1944 à mai 1945 : Cette promotion a intégré presque complètement trois promotions de l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr : Croix de Provence 1942, Veille au Drapeau 1943, Rome et Strasbourg 1944.


3.École Militaire Interarmes (EMIA) 13 décembre 1944

Par Décision ministérielle du Gouvernement Provisoire de la République Française du 13 décembre 1944, l'Ecole de Cherchell prend l'appellation d'Ecole Militaire Inter-Armes (E.M.I.A. ). qui se substitue à l'E.E.A.A.F.N.(Ecole des Elèves-Aspirants d'Afrique du Nord )


D.M. n° 2458 / EMGG/ 3.E. du 13 12 1944


Le bandeau porte le nom d’École Militaire Inter-Armes et, de part et d’autre, la grenade de l’Infanterie


Le 2 avril 1945, en présence du général de Gaulle, le ministre de la guerre, André Diethelm, confie à l’École Militaire Inter Armes (EMIA) de Cherchell deux drapeaux:
Pour les Saint-Cyriens, celui de l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr, sorti de la cachette où l’avait placé le Colonel Léon Le Page,
Pour les « Corps de Troupe», celui de l’École Militaire de l’Infanterie et des Chars de combat de Saint-Maixent (EMICC), sauvé, lui aussi en 1942 par le Colonel Levêque.
L'Ecole reçut des mains du général de Lattre de Tassigny un drapeau unique derrière lequel elle défilera sur les Champs Elysées le 14 juillet 1946.



Au cours de la 2ème quinzaine de juin 1945 les derniers éléments de l'EMIA sont mis en route sur la Métropole et quittent Cherchell et les rives de la Méditerranée pour la lande bretonne à Coëtquidan, les bâtiments de l'ancienne école de Saint-Cyr, à Saint-Cyr-l'École ayant été détruits dans des bombardements.
Deux promotions seront issues de l'E.M.I.A. de Coëtquidan : la promotion "Victoire"(03.07.1945-31.12.1945) et la promotion "Indochine" (05.03.1946-01.05.1947). Ensuite, l'Ecole de Coëtquidan prendra le nom d'« École spéciale militaire interarmes », (E.S.M.I.A.) du 25 mai 1947 au 13 septembre 1961. Elle formait à la fois, selon l'idée d'amalgame de son fondateur le général de Lattre de Tassigny, des officiers issus du concours externe et des officiers issus du recrutement interne.
Elle sera scindée en septembre 1961 pour donner naissance à deux écoles distinctes : E.S.M. et E.M.I.A.

4.École Militaire Interarmes de Sous-officiers (1er janvier 1946-mars 1946).

D.M. n° 12684/EMA/3.I. du 4 10 1945
Après la guerre l’Ecole assuma la formation des sous-officiers destinés à servir en Afrique du Nord.

5.Ecole de Cadres d’Afrique Française du Nord (mars 1946-mai 1947)

D.M. n° 2167/EMA/I du 18 02 1946
Changement de dénomination.
Même mission de formation de sous-officiers.

8 octobre 1946 : Visite d’Edmond Michelet, ministre des Armées
Après la Libération, dans le 2e gouvernement, formé le 13 novembre 1945, présidé par le général de Gaulle, Edmond Michelet, ancien résistant déporté à Dachau, était ministre des Armées, le général cumulant les fonctions de président du Conseil et ministre de la Défense nationale.
La mission de Michelet consistait à réduire les effectifs des trois armées. La démobilisation était déjà entamée : les effectifs qui s’élevaient à environ 1 300 000 hommes à la fin de la guerre avaient été ramenés à 1 105 000. Cette armée comprenait des éléments divers : Unités de l’Armée d’Afrique et Forces Françaises libres, Forces françaises de l’Intérieur, éléments restés en métropole pendant l’occupation, prisonniers libérés.
Le sacrifice demandé aux militaires ne va pas sans affecter le moral des troupes. Michelet s’emploie à calmer les esprits en multipliant les contacts, les prises de paroles et les gestes symboliques. Il n’hésite pas à se déplacer dans les unités pour montrer aux militaires qu’il les comprend.
Informé d’une grave crise de moral à l’École de Cherchell, il effectue le voyage le 8 octobre 1946 pour inaugurer le monument aux morts de la guerre de 1939-1945(voir MPLF, annexe Saint-Maixent) , et profite de cette occasion pour recevoir individuellement en tête à tête chacun des élèves, ne rechignant pas à y consacrer le temps nécessaire, à tel point qu’il doit reprendre l’avion sans avoir participé au repas officiel prévu en son honneur.
Le BULLETIN DE LIAISON des ÉLÈVES et des ANCIENS de I'ÉCOLE de CADRES de CHERCHELL N°4 décembre 1946 relate l’événement sous la signature de VIEIL HORACE :
« Au cours de la visite que Monsieur Michelet a faite à l'Ecole des Cadres, il est un petit détail qui mérite plus amples commentaires, c'est l'entretien que le Ministre a eu avec une trentaine de stagiaires.
Cet entretien a été disons-le très simple et très discret. - Très simple, car le Ministre a reçu chaque élève séparément, assis à côté d'une petite table, notant ou passage les remarques ou les suggestions.
Nous étions loin des froids interrogatoires faits en présence de toute une suite de grands personnages qui intimidaient l'interlocuteur, lui faisaient perdre ses moyens et son audace. Par contre, au Foyer, où eut lieu la réunion, l'élève s'asseyait en face du chef des Armées, après lui avoir dit son nom et répondu à la poignée de main, qui mettait en confiance. Rapidement, le Ministre se faisait exposer la situation militaire de chacun et posait diverses questions de manière à se .rendre compte de la vie de l'Ecole. C'est ainsi qu'il s'inquiéta de l'avenir des élèves et particulièrement des militaires mariés, pour lesquels se posent de graves problèmes matériels.
Il s'informa également des détails de la vie d'équipe, des instructeurs, de la nourriture, de l'effort physique, donnant à ses interlocuteurs l'impression de s'intéresser vivement à leurs réactions pour se faire une idée juste du stage, au travers des différentes opinions émises. Le ministre s'attarda longuement avec les premiers élèves, ce qui donna quelque inquiétude à son chef de cabinet sur le respect du protocole. Cependant, malgré le temps qui lui restait, Monsieur Michelet tint à voir tous les stagiaires qui avaient été convoqués, et eut un mot d'encouragement pour tous. Il n'eut pas le loisir de profiter de l'imposant buffet qui avait été dressé, auquel, par contre, firent honneur les personnalités de son escorte et les invités. Quand le Ministre des Armées se sépara du dernier stagiaire, il fut happé par d'autres occupations, mais garda, nous l'espérons, une impression exacte de ce que pensaient les élèves de leur Ecole. »
Voir également :
Edmond Michelet et la démobilisation de l’armée française (1945-1946) Claude d’Abzac-Epezy

6.Le 1er juin 1947, l’École devient« Annexe de Cherchell de l’École de Sous-officiers de Saint-Maixent »


D.M. n°5119/EMA/I.O. du 20 mai 1947
Elle ajoute à la mission de formation des sous-officiers celle de l’instruction des Elèves Officiers de Réserve de l’Infanterie pour les unités basées en Afrique du Nord.Les EOR des unités Métropolitaines sont formées à Saint-Maixent.
De 1949 à avril 1958, elle instruit une partie des EOR de la Métropole

L’entrée de la « vieille » caserne Dubourdieu

(Avec le bandeau « École de Sous-officiers », période 1947-1958)

Le 27 mai 1950 : Le Ministre de la Défense Nationale, René Pleven, cite à l’Ordre de l’Armée l’Ecole Militaire de Cherchell :


« Du 8 novembre 1942 au 8 mai 1945 et après l’envahissement total de la Métropole,l’Ecole Militaire de Cherchell a maintenu la tradition des Ecoles dOfficiers de France en inculquant aux Elèves-Aspirants la foi dans les destinées et la grandeur de la Patrie ; a formé pour les Armées de la Libération des Chefs dignes de leurs aînés, ardents et animés du désir de vaincre, qui s’illustrèrent sur les champs de bataille de Tunisie, d’Italie, de France et d’Allemagne.S’est acquis ainsi au prix de lourds sacrifices, une part glorieuse dans la victoire de nos Armes.»
« Cette citation comporte l’attribution de la Croix de Guerre avec palme. »

12 juillet 1950

Le Général Callies remet la Croix de Guerre à l’École.( Voir photo rubrique "Le fanion")


Rappel et précisions sur l’historique


École d’élèves aspirants créée 1er avril 1943 à Cherchell, ancienne garnison d’un bataillon du 1er RTA.
De 1943 à mai 1945 l’École forme 4.500 officiers ou aspirants de toutes armes pour les armées de la Libération.

(…)

Recréée à Cherchell le 1er janvier 1946 sous le nom d’École des sous-officiers, puis d’École des cadres, enfin d’Annexe de l’École des sous-officiers de Saint-Maixent (1er juin 1947) : jusqu’en 1949 formation des sous-officiers et des EOR d’AFN. Puis de 1949 à avril 1958 instruit également une partie des EOR de métropole.
10 Mai 1958 (1): prend le nom d’École militaire d’infanterie et se consacre alors exclusivement à la formation des officiers de réserve d’infanterie (en partage avec Saint-Maixent).
Depuis novembre 1959 [NB : cet historique succinct date du 1/09/1960] 2.500 sous-lieutenants et aspirants formés représentant 90% des chefs de sections des unités opérationnelles d’infanterie (20.000 chefs de section depuis sa création).
A l’heure actuelle [NB : septembre 1960] 1.000 EOR à l’instruction, 3 promotions simultanément (Anciens, Cadets, Jeunes), chaque promo de 300 à 400 EOR effectuant un stage de 5 mois ½ (21 semaines d’instruction).

(1)La décision a été prise le 4 mars 1958 (Voir lettre du Secrétariat d'Etat aux Forces Armées "Terre")

Source : SHD (Service Historique de la Défense, carton cote 6U131, école militaire de Cherchell)

Rapport sur le moral année 1954 (extraits)

Encadrement :

(….)
La cessation des hostilités d’Indochine a permis de retrouver la stabilité des cadres. Il est toujours gênant pour la bonne marche de l’instruction d’être contraint de changer de chefs de section en cours de stage en raison des départs en Indochine.

Conditions matérielles de vie :

a) logement (officiers, sous-officiers, personnel civil) :
(…)
b) casernement :
Comme les logements, le casernement a été lui aussi l’objet de notables améliorations (…). Malgré ces améliorations les locaux actuels demeurent insuffisants compte tenu de l’effectif à instruire (…). Toutefois la construction en cours de la nouvelle école dont on voit rapidement les bâtiments sortir du sol entretient chez tous un climat de patience.
c) alimentation (élèves et troupes) :
Elle est unanimement reconnue comme très satisfaisante tant en qualité qu’en quantité.

Etat d’esprit et moral :

a) officiers : très bon
b) sous-officiers : bon
c) troupe, élèves :

EOR : bon dans l’ensemble. Il y a lieu de relever dans ce milieu une désaffection pour l’Armée d’Afrique. A l’amphi-garnison les premiers choisissent en général des garnisons situées en France ou en Allemagne, alors que les places pour les corps d’AFN sont laissées aux élèves classés en fin de liste (les 30 derniers de la promotion 54/2 tranche A ont pris les 30 places pour la Tunisie).

ESOA : très bon esprit. Il faut constater que le niveau intellectuel des dernières promotions est particulièrement élevé par rapport au recrutement précédent (40% de bacheliers ou du niveau bac, 30 % BEPC, 30% niveau BE).

(…)

Signé : Cherchell, le 1er février 1955, le Colonel LANCRENON, commandant de l’Ecole.

Source : SHD (Service Historique de la Défense, carton cote 6U131, école militaire de Cherchell)


AUGMENTATION DU NOMBRE ET DU RYTHME DES PELOTONS

Dès 1956, pour faire face aux besoins de la guerre d’Algérie, le volume des pelotons avait été augmenté ainsi que leur rythme : quatre pelotons annuels jusqu’en 1959.
Chaque peloton ayant la valeur d’un bataillon de quatre ou cinq compagnies. En raison de la cadence des pelotons, deux bataillons se chevauchaient et étaient en formation simultanée. Ceci est nettement indiqué sur l’organigramme de l’Ecole le Groupement d’Instruction comportant deux bataillons d’EOR.
Par une note du 19 mars 1956 le Secrétariat d’Etat aux Forces Armées « Terre », 1er Bureau, prescrivait l’étude d’une nouvelle organisation pour le recrutement et la formation des EOR (toutes Ecoles) :
-Cycle de 6 pelotons par an.
-Sélection des EOR/Corps de troupe un mois ou deux après l’incorporation, au lieu de 4 à 5 mois.
-Spécialisation de la majorité des EOR dans toutes les Écoles comme chefs de section d’Infanterie.
Une Fiche du 3e Bureau en date du 28 avril 1956 présente l’étude de la possibilité de faire face à ces demandes.
En particulier fut étudié un nouveau cycle de six pelotons par an qui présentait l’avantage de s’adapter parfaitement au rythme des incorporations bimestrielles et de fournir régulièrement tous les deux mois un contingent de sous-lieutenants et d’aspirants de réserve.
La capacité maximum avait été atteinte dans la plupart des Ecoles et en particulier dans les Ecoles d’Infanterie. Le passage de l’ancien cycle au nouveau ne pouvait être que progressif et des mesures transitoires furent proposées.

Voir ci-dessous ; "Nouvelle structure de l'École"


7.10 mai 1958 : L'École prend le nom d'« École Militaire d’Infanterie de Cherchell »(EMIC)

Par lettre du 19 février 1958 le Colonel Marey commandant de l'École demande, d'une part, le changement de dénomination de l'École et, d'autre part, l'attribution d'un drapeau :
La dénomination "Annexe de Cherchell de l'École de sous-officiers de Saint-Maixent" ne correspondant pas aux réalités, Cherchell ayant toujours été indépendante de Saint-Maixent.
A l'appui de la demande de drapeau le Colonel Marey fait valoir que parmi toutes les Écoles militaires Cherchell est la seule n'ayant pas de drapeau et fait ressortir les éminents mérites acquis par l'École à l'occasion de la Libération et du conflit d'Indochine et ajoute : "...depuis que la guerre révolutionnaire s'est ouverte en Algérie, l'École instruit chaque année de 1200 à 1500 officiers de réserve qui, à peu près tous, servent dans les unités opérationnelles d'Afrique du Nord avec un allant, un courage et un esprit de sacrifice qui constituent pour l'École qui les a formés un honneur mérité."

En réponse à la demande du Colonel Marey, le Secrétaire d'Etat aux Forces Armées "Terre" en date du 4 mars 1958 décide du changement de dénomination de l'Ecole (voir ci-dessous)


L'École se consacre exclusivement à la formation des officiers de réserve d’infanterie, tâche qu’elle partage avec l’école de Saint-Maixent.

11 juillet 1958

( D.M. n°22.022/EMA/CAB/EMP) Le Ministre des Armées considérant les services rendus au Pays par l'École Militaire d'Infanterie de Cherchell et qui justifient désormais la place éminente qu'elle tient parmi les écoles d'officiers, lui confie la garde d'un drapeau.

Mardi 7 octobre 1958 :Visite d'inspection du général Zeller, Chef d'état-major de l'Armée de terre

Le général accompané du colonel Marey et de quelques officiers s'est principalement intéressé aux grands travaux de développement de l'école et aux activités culturelles.
Dans la salle d'honneur en présence des cadres de l'école il s'est informé des conditions rencontrées par les jeunes sous-lieutenants et aspirants dans les corps de troupe et a déploré qu'il ne leur soit pas toujours donné les responsabilités et les moyens qu'il faudrait, rappelant qu'en Algérie les chefs de section de réserve constituent la moitié des officiers au combat.
Enfin il a fait quelques observations sur les modalités de recrutement et la formation des EOR qui pourraient recevoir une instruction jusqu'à chef de groupe avant d'intégrer l'École, consacrant ainsi toute la durée du stage à la formation de chef de section.

Citadelle, N° 3-Octobre 1958

Le 29 janvier 1959

Le drapeau est remis à l'École par le Général Allard, commandant la 10° Région Militaire et les Forces Terrestres en Algérie le même jour de la prise de Commandement de l'École par le Colonel Bernachot, succédant au Colonel Marey.
(Voir rubrique "Le Drapeau")

10 août 1959

Par décision ministérielle n° 6540 EMA/3-E du 10 août 1959, le Ministre des Armées charge l’École de former, désormais seule, la totalité des Officiers de Réserve d’Infanterie, tâche que Cherchell partageait jusqu’alors avec Saint-Maixent.

Extrait: «La formation actuelle des sous-lieutenants de réserve d'Infanterie est orientée essentiellement sur les missions que ces officiers ont à accomplir en Algérie.
Aussi, par sa situation, l'Ecole Militaire d'Infanterie de Cherchell est-elle particulièrement bien placée pour leur donner une instruction adaptée.
....Pour cette raison, j'ai décidé que tous les E.O.R. et sous-lieutenants de réserve d'Infanterie issus de l'I.M.O. seront instruits dans cette Ecole.
Cependant, cette année, une exception sera faite pour le peloton 002 qui aura lieu à la fois à St-maixent(2/3 de l'effectif) et à Cherchell(1/3 de l'effectif).»

NOUVELLE STRUCTURE DE L'ECOLE

Cette décision ministérielle a pour conséquence une modification de la structure de l'École tant en ce qui concerne les élèves que les moyens dévolus en effectifs d'encadrement et de matériel. L’accroissement du nombre des EOR représentait en permanence un effectif oscillant entre 1100 et 1500 élèves. Le Groupement d’instruction passa de 2 à 3 Bataillons comportant chacun 4 Compagnies soit 12 Compagnies et un total de 40 à 46 sections.
Le nombre annuel des promotions passa en 1960 à 6 (Incorporation bimestrielle). Les six stages annuels de 23 semaines se recouvraient et maintenaient en permanence 3 stages présents à l'École.Ce rythme sera maintenu jusqu’en 1962. La sixième promotion de l’année 1962 sera instruite à Montpellier après le transfert de l’École.
En raison du nombre des élèves et de l'insuffisance du casernement à l'École même l'implantation s'effectuait grâce à l'aménagement de trois fermes à proximité de l'École. Par roulement un Bataillon était cantonné dans les fermes tandis que les deux autres Bataillons occupaient les bâtiments de l'École.
En 1961, l’École reçut le plus pléthorique des pelotons, le 102, promotion « Capitaine Claude Barrès », 945 élèves, qui à lui seul représentait 2 Bataillons. Le Groupement d’instruction passa donc pour la durée du peloton 102, de 3 à 4 Bataillons, plus le groupe des IMO.
Une note du 23 septembre 1960 du Ministère des Armées, 1er Bureau, prévoyait qu'au démarrage du peloton 102 l’effectif total de l’École s’établirait au chiffre de 1335. En réalité avec les pelotons 006 et 101, plus le groupe IMO, cet effectif fut de 1593 élèves ! Pour faire face à ces besoins supplémentaires le Commandant de l’École demanda l’augmentation de ses effectifs officiers, pour la durée du peloton 102, soit 1 Chef de Bataillon, 2 Capitaines, 5 lieutenants. Par décision du 5 octobre 1960 le Ministre des Armées, considérant l’accroissement passager des charges de l’École, décida de faire droit à cette demande, du 1er novembre 1960 au 30 avril 1961, pour la durée du peloton d’EOR 102, en affectant à l’École des officiers appartenant à l’Infanterie Métropolitaine.


Lettre de décision du 10 août 1959 du Ministère des Armées "Terre"
A partir du peloton 003 tous les E.O.R. seront formés à Cherchell


27 au 30 août 1959 : Le général de Gaulle, président de la République, effectue un premier voyage d’inspection en Algérie


Après les évènements de mai 1958 et son retour au pouvoir, appelé par le président Coty, le général de Gaulle, président du Conseil et ministre de la Défense nationale, avait déclaré à Alger, le 4 juin 1958 : « je vous ai compris » et le 6 juin à Mostaganem :«vive l’Algérie française ». Puis ce fut l’offre de la « paix des braves » d’octobre 1958.
En 1959, le général de Gaulle, président de la République, décida d'entreprendre un voyage en Algérie, sur le terrain et dans les cantonnements de l'armée. Aux officiers il annonce sa détermination de « changer quelque chose » en Algérie. Les termes exacts de cet entretien avec l'armée figurent dans un document qualifié «très secret», «à n'utiliser que verbalement pour l'information des cadres». Devant les officiers, le général analyse les causes qui sont selon lui de trois ordres :
*La situation des autochtones, qui est insupportable dans ce pays où, depuis cent vingt ans, la France n'a pas fait l'effort nécessaire;
*L'affaiblissement de la France, consécutif à la disparition de l'autorité de l'Etat, à la guerre, à ses péripéties et aux déchirements qu'elles ont provoqué;
*La conjoncture internationale à une époque où la plus grande partie de la terre est en train de s'affranchir et où nous ne pouvons faire fi de l'opinion du monde qui nous entoure.
(Historia magazine, N°289,19 février 1973)
Rentré à Paris, dans un discours radiotélévisé du 16 septembre 1959, il énonce le principe fondamental de sa politique à l'égard de l'Algérie : l'autodétermination, le choix devant se faire entre indépendance, francisation et gouvernement des algériens par les algériens.
Le tournant est important et décisif.

4 au 7 mars 1960 :


Deuxième voyage d'inspection du président, connu comme le premier sous le nom de « tournée des popotes », visant à rassurer l'Armée et lui faire connaître son point de vue quant à la solution du problème algérien . Elle ne peut être que politique, la pacification n’étant qu’une étape, les algériens devront choisir leur destin et ne resteront unis à la France que s’ils le veulent eux-mêmes. Le président réaffirme donc le principe de l’autodétermination. Il espère que les algériens choisiront une solution d’association avec la France mais il écarte francisation et intégration qui sont pour lui des utopies, les musulmans algériens ne pouvant être « ni des Provençaux ni des Bretons. »
Il condamne égalementla sécession qui conduirait selon lui « à la misère, la clochardisation, à la catastrophe ».
( Jean Lacouture,« Algérie 1962, la guerre est finie» , éditions Complexe-Michel Debré,« Gouverner, Mémoires, 1958-1962» , Albin Michel)

28 juin 1960

A compter de ce jour les trois promotions se chevauchant à l'École sont dénommées de la façon suivante :
Promotion la première arrivée : Promotion des Anciens
Promotion arrivée deux mois après : Promotion des Cadets
Promotion dernière arrivée : Promotion des Jeunes

4 novembre 1960 :Allocution du général de Gaulle : (extrait)


« Ayant repris la tête de la France, j’ai- on le sait - décidé en son nom de suivre un chemin nouveau. Ce chemin conduit non plus au gouvernement de l'Algérie par la métropole française mais à l'Algérie algérienne. Cela veut dire une Algérie émancipée où c'est aux Algériens qu'il appartient de décider de leur destin, où les responsabilités algériennes seront aux mains des Algériens et où - comme, d'ailleurs, je crois que c'est le cas - l'Algérie, si elle le veut, pourra avoir son gouvernement, ses institutions et ses lois. L'Algérie de demain, telle qu'elle sera décidée par l'autodétermination peut être faite ou bien avec la France ou bien contre la France, et celle-ci - je le déclare une fois de plus - ne fera opposition, aucune opposition, à la solution quelle qu'elle soit qui sortira des urnes. Si cela devrait être la rupture hostile, eh bien, nous ne nous acharnerions certainement pas à vouloir rester auprès de gens qui nous rejetteraient ni à engouffrer dans une entreprise sans issue et sans espoir nos efforts et nos milliards dont l'emploi est tout trouvé ailleurs.»

9 au 12 décembre 1960 : dernier voyage de de Gaulle en Algérie -Visite de l’École le 10 décembre


Citadelle N°19, février-mars 1961, relate l'évènement :
« Le général de Gaulle, président de la République Française, visite l’École de Cherchell. Arrivé à 12 heures, le général de Gaulle était accueilli par Monsieur Messmer, Ministre des Armées, le général de Division Cazenave et les colonels Bernachot, commandant l’E.M.I.C., et de Lassus de Saint-Geniès, commandant le secteur. Après avoir remonté l’Avenue de France, le général de Gaulle passait en revue les Cadres et les Elèves de l’École rassemblés sur le Plateau du Vercors et leur adressait une courte allocution. Il devait ensuite se faire présenter par Monsieur le Sous-Préfet Merleaud les Corps Constitués. A 13 heures, un repas qui rassemblait les personnalités civiles et militaires était offert en son honneur à l’Ecole. A14 heures 55, le général de Gaulle repartait sur Orléansville. »

Maurice Raisonnier, Peloton 102 Promotion « Capitaine Claude Barrès » se souvient :
«J’ai eu l’honneur de faire partie de la section qui a assuré sa garde rapprochée pendant son court séjour à l’École. Le point fort fut le moment où, pour se rendre à la villa de notre colonel, à midi, le général devait franchir à pied les quelques mètres séparant l’École de la villa, et surtout traverser la foule massée devant les grilles, foule qui manifestait bruyamment son hostilité. Notre chef de section, le lieutenant Giraud, nous fit alors aligner colonne par 4 et, avec le général au milieu de nous, ordonna de marcher vers la porte, d’un pas décidé en criant notre chant de guerre :

Malgré les balles, malgré les obus
… Nous avançons vers le même but…

Les portes se sont ouvertes, nous avons traversé la foule qui s’écartait soudain silencieuse, et nous sommes arrivés devant la villa. »

Extrait d’Historia magazine N° 325 du 25 juin 1973(article signé Pierre-Albert Lambert) :
« La deuxième journée du voyage commence à Cherchell. Là encore, les musulmans sont nombreux à accueillir le chef de l’Etat.
…Sur la route, les forces de l’ordre contrôlent les arrivants. Un important dispositif de sécurité est en place…A Cherchell même le dispositif de sécurité n’a jamais été plus important.
Le général rend visite aux élèves de l’École d’Infanterie qui forme, au cours d’un stage de cinq mois et demi, des chefs capables de commander une section en Algérie. Ici, depuis 1959, sont également formés, lors d’un peloton préparatoire spécial, une cinquantaine de jeunes E.O.R. de souche nord-africaine, volontaires et choisis par des centres de présélection.
« Vous allez contribuer de la manière la plus directe à la grande œuvre de la France en Algérie, leur dit le général. Elle remonte à longtemps, mais elle se présente aujourd’hui, sans nul doute, sous un aspect, dans des conditions et avec un but complètement différents.
« Cela tient, vous le savez tous, aux changements du monde, au changement de l’Algérie elle-même et, par conséquent, désormais, ce que nous allons voir se faire, c’est une Algérie qui prendra tous les jours un peu plus conscience de la responsabilité de son destin et qui, j’en suis sûr, sera, avec lucidité et volonté, unie à la France. »

Le colonel Bernachot, commandant l’École, et les autorités civiles et militaires accompagnent le général de Gaulle


Photos M.T Bernachot

Ce dernier voyage est effectué un mois après l’annonce en novembre du referendum portant sur l’autodétermination et donc la possibilité du choix de l’indépendance. La population européenne se considère trahie et manifeste contre l’autodétermination.
Aussi le président évite les grandes villes, Oran et Alger et débute son voyage en arrivant sur l’aérodrome d’Ain-Temouchent, près de Tlemcen où il prononce son premier discours à l’Hôtel de ville invitant les musulmans à « prendre leurs responsabilités » et les européens à lui apporter leur « coopération déterminée ».
Les jours suivants le général poursuit son voyage dont l’itinéraire est sans cesse modifié en raison des menaces. De violentes manifestations d’européens se sont produites contre la politique présidentielle, notamment à Alger. Ces manifestations dégénèrent en émeutes car certaines autorités ont cru astucieux d’inciter les musulmans à des contre-manifestations, les munissant de pancartes « vive de Gaulle », « vive l’Algérie algérienne ».
Une fois les barrages passés, les pancartes furent jetées, les drapeaux algériens brandis, la foule criant « vive l’Algérie arabe », « vive Abbas ».Ces émeutes se sont étendues à plusieurs villes d’Algérie faisant une centaine de morts et environ 400 blessés.
Le 8 janvier 1961, le referendum d’autodétermination fut approuvé par 75% des votants, ouvrant la voie aux négociations qui aboutiront aux accords d’Evian le 18 mars 1962.
Ce sera la fin de la guerre d’Algérie qui aura duré 8 ans et la fin de 132 ans de présence française en Algérie.






Les derniers morts

A quelques jours du cessez-le-feu du 19 mars 1962 quatre cherchélliens tombaient au champ d’honneur dont deux étaient encore élèves :

Promotion « Vosges-Alsace » Peloton 201
FINELLI Paul                 Élève Officier de Réserve d’Infanterie                 +14 02 1962               Cherchellois
Promotion « Mémorial de Cherchell » Peloton 105
GRAGER Marcel            Sous-lieutenant d’Infanterie                                 +19 02 1962               Aïn Témouchent
VAHÉ Gérard Sous-lieutenant d’Infanterie +27 02 1962 Nelsonbourg (Médéa)
Promotion «Élève-officier André Esprit » Peloton 203
ESPRIT André              Elève Officier de Réserve d’Infanterie                +08 03 1962               Marabcha,  Cherchellois


11 août 1962 : évacuation des européens de Novi

L'École avec l'aide du 3/2e R.I. et des gardes mobiles du 4/10 procède à l'évacuation des européens de Novi soit 40 femmes, 35 hommes et 5 enfants. Ils embarqueront le 23 août à Alger en direction de Marseille.

17 septembre 1962 : évacuation des brigades de gendarmerie

Les brigades de gendarmerie de Dupleix et Gouraya aisi que les familles sont évacuées par convoi routier et hébergées pour la nuit à l'École

Octobre 1962 : L'indépendance de l'Algérie marque la fin de la formation des EOR à Cherchell.

Après le baptême de la dernière promotion en octobre 1962, l’École est transfèrée avec tous ses cadres à Montpellier. Elle continuera à former tous les EOR jusqu'en 1967.
Le 1er août 1967 l'École d'Application de l'Infanterie dont le but est de donner aux officiers issus de l'école spéciale militaire interarmes de Saint-Cyr Coëtquidan la qualification propre à leur arme est transférée de Saint-Maixent à Montpellier et absorbe l'EMI.
L'École d'Application de l'Infanterie est la Maison Mère de l'Arme et le 1er août 2009 devient «École d'Infanterie».
Elle quitte à l'été 2010 Montpellier pour Draguignan, quartier Bonaparte.

Repli sur la Métropole

Procès-verbal de la réunion tenue le 29 mai 1962 dans le bureau du général Chef de l’Etat-major de l’armée.
But de la réunion : transfert en métropole de l’École militaire d’infanterie de Cherchell.
Décisions : 1) l’École militaire d’infanterie de Cherchell sera transférée à Montpellier au Quartier Guillaut ; elle devra fonctionner à partir du 1er novembre 1962 ; 2) pour alléger la tâche de l’École militaire d’infanterie, les pelotons d’EOR n° 206 et 301 seront instruits par l’École d’application de l’infanterie à Saint-Maixent.
10 août 1962 : Note du ministre des armées au général commandant la 7e région militaire et au général commandant la 9e région militaire.
L’École militaire d’infanterie de Cherchell doit être transférée en Métropole aux lieu et place du Centre d’instruction du 23e RI de Montpellier qui sera dissous le 1er septembre 1962 (suivent diverses dispositions pour assurer le fonctionnement de l’École militaire d’infanterie de Montpellier dés septembre 1962).
Source : SHD (Service Historique de la Défense, carton cote 6U131, École militaire de Cherchell)

Note de service concernant l'embarquement de la portion principale de l'Ecole à destination de Marseille

Décret du 3 mai 1963 l’École est élevée au rang de Chevalier de la Légion d’Honneur

« Depuis 1942, a accueilli et instruit 25 000 officiers et Aspirants de réserve.
Durant les opérations de guerre et de Libération de 1943 à 1945, puis en Extrême-Orient et en Afrique du Nord, ses anciens élèves ont affirmé les meilleures qualités de chef et d’entraîneur d’hommes. S’ils ont glané les plus beaux titres de guerre, plus de 600 parmi eux ont inscrit leur nom au livre d’Or de l’École.
Citée à l’Ordre de l’Armée en 1950, l’École Militaire d’Infanterie a droit à la reconnaissance du Pays. »

(Voir rubrique « Le Drapeau »)

Extrait de l’allocution prononcée le 8 mai 2010 par le général d’armée Elrick IRASTORZA, Chef d’Etat-major de l’Armée de Terre (CEMAT), ordre du jour n° 26, lors de la cérémonie d’adieux des Écoles, EAI et EMSAM à la ville de Montpellier :

Au lendemain de la libération, l’École d’administration militaire s’installe en 1946 dans la caserne CHOMBART de LAUWE jusqu’à devenir en 2001 l’École militaire supérieure d’administration et de management d’aujourd’hui.
En provenance de SAINT-MAIXENT, l’école d’application de l’infanterie rejoint à l’été 1967 la caserne LEPIC, dans laquelle s’était installée en 1962 l’École militaire d’infanterie de CHERCHELL
. Ce sont ainsi des milliers de stagiaires qui auront été formés chaque année à Montpellier dans ces deux écoles.
...Nos engagements opérationnels mettent en évidence la nécessité d’une intégration interarmes plus forte de nos unités. Or tout cela ne peut s’apprendre que dans un environnement permettant plus facilement la mise en œuvre combinée de nos équipements et de nos systèmes d’armes les plus lourds.
Au cœur de ce nouveau dispositif de formation, il y aura désormais le vaste camp de Canjuers avec ses 35 000 hectares, ses espaces de manœuvre et de tir pour l’artillerie, les chars de bataille et les tout récents véhicules blindés de combat d’infanterie, son centre d’instruction des missiles, ses simulateurs, à 10 minutes de vol, les hélicoptères de l’école de l’ALAT du Cannet des Maures, et bien sûr, à 25 kilomètres à Draguignan, les infrastructures jusqu’à présent sous employées de l’École d’Artillerie où l’École de l’Infanterie trouvera naturellement sa place. Tout cela a du sens.



TABLEAU DES DENOMINATIONS DE L'ECOLE, DE SES
IMPLANTATIONS, DE SES PROMOTIONS
ET DE SES LIENS AVEC LES ECOLES DE SAINT-CYR-COËTQUIDAN ET SAINT-MAIXENT



APRÈS 1940, CHERCHELL NE FUT PAS LA SEULE ÉCOLE A FORMER DES CADRES :

Ce site est dédié à l'École de Cherchell mais nous ne pouvons ignorer les centres de formation des Forces françaises libres et ceux des territoires de l'Empire français isolés de la Métropole, comme ce fut le cas de l'Indochine, qui ont du pourvoir à la formation d' officiers.
Le général de Gaulle attachait une grande importance à la formation des cadres , d'où la création l'École de Camberley de plusieurs écoles et pelotons d'élèves officiers.


L'ÉCOLE DE CAMBERLEY

Créée dès l'automne 1940, elle comportait trois pelotons : Infanterie, Artillerie, Chars.
Peloton d'infanterie : 32 élèves officiers.
Peloton d'artillerie : était divisé en brigades A et B, chacune de 18 élèves, soit un total de 36 élèves.
Peloton de chars : Il forma 17 élèves officiers.


L’ÉCOLE MILITAIRE DES CADETS DE LA FRANCE LIBRE

Dès 1940 de très jeunes gens encore adolescents dont de nombreux bacheliers ou élèves de terminale, ont rejoint l’Angleterre et la France libre. Dans l’enthousiasme de leur jeune âge ils considèrent que le combat doit se poursuivre et sont impatients de servir. Mais que faire de ces jeunes qui n’ont pas l’âge de porter les armes ?
Ils sont réunis d’abord au Prytanée de la France Libre à Rake-Manor (Surrey), inspecté deux fois par le général de Gaulle qui s’intéresse de près au sort de ces jeunes. Puis en février 1941, les premiers élèves se retrouvent à Malvern (Worcestershire) pour constituer l'embryon de l'École militaire des Cadets installée dans l'un des bâtiments du collège.

MALVERN HOUSE
Au cours de la troisième visite du général, au mois de novembre, l'Ecole reçoit son fanion. Elle est dirigée par le chef de bataillon André Beaudouin, secondé par le chef d'escadron Louis de Cabrol et René de Lajudie (promotion de Bournazel), directeur de l'instruction.
Première promotion (Juin 1942) : Libération
Après seize mois de formation la première promotion sort en juin 1942. Elle compte quinze aspirants.

RIBBESFORD MANOR
Après ce premier succès, L'Ecole s'installe près de Bewdley (Worcestershire), dans le cadre du manoir de Ribbesford

Deuxième promotion (décembre 1942) : Bir Hakeim
Le cycle d'étude, désormais fixé à deux fois six mois Elle compte seize officiers. Elle est baptisée par le général de Gaulle en décembre 1942.

Troisième promotion (Juin 1943 ) : Fezzan-Tunisie
Les vingt-sept sortants reçoivent leur nouveau galon des mains du Général en mai 1943
L'Ecole a pris une grande extension : nouveaux bâtiments, annexe excentrée, terrains d'exercice et de sports, la petite ville de Bewdley vit au rythme de ses exercices, de ses permissionnaires et de ses défilés. L'accueil que les citoyens britanniques réservent à ces jeunes exilés continuant d'affluer de tous les horizons ne se démentira jamais au cours de ces quatre années de guerre. Exceptionnel et chaleureux, il marque les Cadets de sa profonde sollicitude et de son respect.

Quatrième promotion (décembre 1943) : Corse et Savoie
Elle compte vingt-six jeunes officiers. Elle est baptisée par le colonel Marchand, commandant supérieur en Grande-Bretagne.

Cinquième promotion (Juin 1944) : I8 Juin
Forte de 120 officiers son baptême est présidé par le général Kœnig.

L'École des Cadets compte près de cent cinquante élèves à cette époque et beaucoup d'entre eux se demandent s'ils sortiront à temps pour combattre. L’École est dissoute le 15 juin 1944.
Londres, 16 juin 1944
L’École militaire française de Grande-Bretagne a formé les promotions :
Libération, Bir-Hakeim, Fezzan et Tunisie, Corse et Savoie, 18-juin,
Elle voit sa mission terminée.
J’adresse mes félicitations au commandant Beaudoin, directeur de l’école de Malvern, puis de Ribbesford, qui fut pour ses instructeurs et ses élèves un chef, un exemple, un animateur. Je remercie les officiers de l’école pour le cœur, l’enthousiasme et la foi apportés à instruire les jeunes gens qui leur étaient confiés. Je remercie le personnel et les volontaires françaises pour leur concours dévoué.
Les aspirants et sous-officiers de Ribbesford conserveront intact l’esprit pur de leur école, leur bravoure sera, j’en suis sûr, celle des anciens, ils honoreront les premiers d’entre eux morts pour la France : le cadet Digo et les aspirants tombés dans la campagne d’Italie.
Le nom de l’École de Ribbesford demeurera dans l’histoire militaire de la France. Il demeurera comme celui du refuge où la jeune élite de notre armée apprit à vaincre pour la libération et la rénovation de la patrie.
Général de Gaulle, Lettres Notes et Carnets (juin 1943-mai 1945)

Les Cadets paieront cher leur destin exceptionnel : cinquante-cinq des anciens élèves donneront leur vie les armes à la main Les honneurs décernés seront à la mesure de ce sacrifice volontairement consenti : sept Compagnons de la Libération, la prise de rang des cinq promotions dans la suite glorieuse de celles de Saint-Cyr, dont la 172e promotion prendra le nom de Cadets de la France Libre, la Légion d'honneur, la Croix de guerre, la Médaille de la Résistance et la Croix de guerre luxembourgeoise auréolent son drapeau conservé au Musée du Souvenir de Saint-Cyr Coëtquidan.
Le J.0. du 18 mars 1954, publie le texte de la loi n° 54-292 qui précise : "Les Anciens élèves de l’École Militaire des Cadets de la France Libre ayant satisfait aux examens de sortie de cette École, sont considérés à tous points de vue comme issus de l’École Spéciale Militaire".



Voir « Cadets de la France libre » : www.France-Libre.net

AUTRES ÉCOLES DE LA FRANCE LIBRE

À Brazzaville, capitale de l'Afrique équatoriale française, ralliée à la France Libre, le Général de Gaulle, décide d'y ouvrir une école d'officiers, en octobre 1940 qui portera le nom de "Colonna d'Ornano". Il en sortira deux cents aspirants répartis en six pelotons.
En Syrie, à Damas, deux pelotons d'élèves seront mis sur pied à la fin desquels seront promus en octobre 1941 plus de quarante aspirants.
En Libye, à Sabratha (Tripolitaine), le général Leclerc, décide en juillet 1943, l'ouverture d'un peloton d'élèves officiers.
Après la campagne de Tunisie, le général Giraud, commandant militaire en Afrique du Nord, avait cantonné la 1ère Division Française Libre en Libye. (D.F.L.)
Si bien que cette unité était écartée de la nouvelle armée en cours de constitution et n'avait pu bénéficier d'affectation d'aspirants issus de la première promotion de Cherchell.Et avait donc du se préoccuper de la formation de ses propres cadres. Les conditions matérielles étaient si mauvaises qu'il n'y eut que 3 ou 4 nominations au grade d'aspirant.(Voir pour plus de détais l'ouvrage d'Eric Labayle, page 37).


L'ÉCOLE MILITAIRE DE TONG (1942 - 1945)

A la veille de la guerre, les forces militaires françaises en Indochine, comprenaient environ 600 000 hommes, dont 12 000 Français et légionnaires européens. Ces forces avaient pour mission d'assurer l'intégrité et la stabilité du territoire indochinois, mais il était prévu, en cas de guerre n'affectant pas l'Extrême-Orient, qu’elles mettraient sur pied un corps expéditionnaire de deux divisions.
Mais après juin 1940 l'Armée française d'Indochine coupée de la Métropole fut complètement isolée. Elle ne devait donc compter que sur elle-même d’autant plus que les Japonais envahirent toute l'Indochine.
C'est dans ce contexte que, suivant les instructions de la métropole, sous administration vichyste, le haut commandement militaire de l'Indochine décida, dès 1942, de créer une école de cadres. Ainsi, fut décidée la création d'une ÉCOLE MILITAIRE INTERARMES formant des officiers d'active d'infanterie et d'artillerie, au camp militaire de TONG - à 40 km de Hanoï.
Cinq promotions, de 1942 à 1945, sont sorties de l’E.M.I.A. - TONG. Soit au total 109 élèves officiers et officiers-élèves qui se répartirent de la façon suivante :
- infanterie 60
- artillerie 27
- Saint-Cyr (août 1944-mars 1945) 22
Tous furent nommés sous-lieutenants et affectés ou répartis dans les unités combattantes au moment de l'agression japonaise du 9 mars 1945. Sur 109 officiers, 23 furent tués au combat. L’attaque surprise lancée par les Japonais mit fin à l'existence de l'école.


L'ÉCOLE INTERARMES D'EXTREME-ORIENT (DALAT) (01.07.46 - 25.12.46)

Après les dures épreuves de la seconde guerre mondiale, la France doit faire face à de nouvelles menaces en Indochine. A Pâques 1946, 70 futurs élèves-officiers, en Indochine, apprennent leur réussite au concours d’entrée à l’École Militaire InterArmes (E.M.I.A) de Coëtquidan. Ils ne peuvent être rapatriés sur la France.
Le Général Leclerc, Commandant Supérieur des Forces Françaises en Extrême Orient, décide alors d'ouvrir une annexe de Coëtquidan : l’Ecole Interarmes d'Extrême-Orient Aux 70 élèves admis, il joint de jeunes cadres méritant de concourir pour l'épaulette. Le ler Juillet 1946, ils sont 180 à rejoindre le camp SAINT-BENOIT à DALAT.
Sous l'impulsion d'officiers choisis parmi les meilleurs de l'Armée Française, ils rénovent les installations, construisant des bâtiments, aménageant des terrains de sport. Tout en menant leur formation d'officier, étudiant les mathématiques et l'économie politique, le combat rapproché et le tir, poursuivant leur instruction tactique de jour comme de nuit.
Le 19 Décembre 1946, la guerre éclate ils ne sont plus alors que 80 sur les rangs, décimés par le rythme intensif et par des décisions de gestion.
L'École est fermée : nommés aspirants, les élèves-officiers rejoignent les unités les plus exposées. En quelques semaines la promotion de l'École Militaire Interarmes d'Extrême-Orient perd dans les rizières un dixième de ses effectifs.
D'autres tomberont encore au combat, en Indochine puis en Algérie.
A leur retour en métropole, les survivants apprendront qu'ils appartiennent à la grande Promotion "INDOCHINE" de l’École Militaire Interarmes de Coëtquidan : 7e série, 05/03/1946 - 01/05/1947